La chronique des marchés publics

Cette chronique présente des problématiques rencontrées par les communes ou leurs mandataires dans le cadre de l’application des marchés publics, qui sont régulièrement soumises pour détermination au Centre de compétences sur les marchés publics du canton de Vaud (CCMP-VD). Elle vise à sensibiliser les communes sur certains aspects particuliers des marchés publics, et à leur fournir les outils nécessaires à la résolution de situations parfois complexes.

Photo d'illustration d'archives
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Publié le 30 septembre 2015

La révocation de l’adjudication

La procédure marchés publics se termine en principe par l’adjudication du marché au soumissionnaire présentant l’offre économiquement la plus avantageuse, soit celle proposant le meilleur rapport qualité-prix. Dans une suite logique, et dans la mesure où l’adjudication ne fait pas l’objet d’un recours, les parties concluent ensuite le contrat. L’exécution du marché peut alors débuter. Il arrive néanmoins que le pouvoir adjudicateur soit amené à devoir révoquer l’adjudication précédemment prononcée.

Les motifs de révocation sont identiques à ceux permettant l’exclusion d’un soumissionnaire (par exemple : le non-respect des critères d’aptitude ou des conditions de travail). En effet, selon le règlement d'application de la loi vaudoise sur les marchés publics (RLMP-VD), «L'adjudication peut être révoquée aux mêmes conditions que celles prévues pour l'exclusion de l'offre à l'article 32» (art. 40 RLMP-VD). Il s’agit de motifs propres à l’adjudicataire lui-même ou liés aux qualités de son offre. La décision de révocation, qui annule les effets de l’adjudication précédente, implique une pesée des intérêts en présence par le pouvoir adjudicateur. Cette pesée des intérêts doit garantir que l’intérêt public à la bonne application du droit l’emporte sur l’intérêt privé des parties au maintien de la décision. Selon la doctrine, il serait contraire à la bonne foi de prononcer une révocation pour des motifs déjà connus lors de la décision initiale, sauf dans des circonstances particulièrement graves comme une faillite (cf. art. 32. al. 1, let. g RLMP-VD), dont la survenance est imminente au moment de l’adjudication (Etienne Poltier, Droit des marchés publics, Berne 2014, p. 232). La doctrine considère que le soumissionnaire (adjudicataire) fait l’objet d’une procédure de faillite dès l’instant où la commination de faillite est notifiée à l’adjudicataire (art. 159 de la loi fédérale sur la procédure pour dettes et faillite, Beyeler, Der Geltung-sanspruch des Vergaberechts, Zürich 2012, N. 2744).

La forme de la révocation

La décision de révocation est une décision sujette à recours (art. 10 al. 1, let. e de la loi sur les marchés publics, LMP-VD ; art. 15 de l’Accord intercantonal sur les marchés publics, AIMP). Il appartient à l’adjudicateur de notifier sa décision de révocation à l’entreprise adjudicataire, par pli individuel en courrier recommandé. La décision de révocation devra être sommairement motivée et indiquer la voie de recours (art. 42, al. 2 RLMP-VD). Il sera indiqué que le recours, dûment motivé, doit être déposé auprès de la Cour de droit administratif du Tribunal cantonal vaudois (art. 5 de la loi vaudoise sur la procédure administrative, LPA-VD) dans les 10 jours dès la notification de la décision (art. 15 al. 2 AIMP). Le Guide romand sur les marchés publics contient à son annexe W7 un modèle de décision de révocation dont les pouvoirs adjudicateurs peuvent s’inspirer.

La révocation dans les marchés de construction

a) La révocation intervient avant le début des travaux

Dans cette hypothèse, l’exécution des travaux n’ayant pas commencé, la révocation par le pouvoir adjudicateur ne présentera pas de difficultés particulières, à condition qu’elle repose sur un motif valable et respecte le principe de proportionnalité. Dans un arrêt de 2006, un pouvoir adjudicateur a toutefois appris à ses dépens – et avant même la signature du contrat – qu’il ne suffisait pas de révoquer une adjudication au motif que l’offre de l’adjudicataire n’était pas conforme aux conditions fixées dans la mise au concours et qu’elle comportait de faux renseignements. Encore fallait-il que le comportement du pouvoir adjudicateur ne soit pas à l’origine de ces manquements. En l’occurrence, une fois l’adjudication prononcée, l’adjudicataire n’avait plus été à même de respecter l’échéancier fixé dans le cahier des charges. Après avoir rappelé que l’aptitude d’un soumissionnaire ne doit pas seulement être acquise au stade du dépôt de l’offre, mais qu’elle doit perdurer jusqu’au moment de l’adjudication et de l’exécution des travaux, la Cour de droit administratif du Tribunal cantonal a jugé que la révocation était en l’espèce mal fondée, dans la mesure où le pouvoir adjudicateur partageait en grande partie la responsabilité du retard pris dans le calendrier des travaux (GE.2006.0119, arrêt du 6 décembre 2006).

b) La révocation intervient après le début des travaux

Dans cette hypothèse, il y a lieu d’examiner l’état d’avancement des travaux.

Lorsque les travaux sont relativement peu avancés, il est important que le pouvoir adjudicateur prenne le soin d’apprécier si une révocation est opportune, afin d’éviter que cette dernière ne le place dans une situation délicate. Ainsi, il y a notamment lieu de :

  • Déterminer le plus précisément possible l’étendue des prestations restantes, ainsi que leur valeur
  • Vérifier que la structure des offres remises par le passé par les autres soumissionnaires permette bien une reprise au stade actuel du projet, soit que les prestations qui restent à effectuer puissent aisément être extraites du cahier des charges
  • S'assurer que le délai de validité des offres déposées par les soumissionnaires non-retenus à l'époque de l'adjudication n'est pas échu ou en demander la prolongation

Sous l’angle du droit privé, l’adjudicateur prendra soin de vérifier les termes et conditions posés à la résiliation du contrat conclu avec l’adjudicataire précédent.

Suite à cette analyse, le pouvoir adjudicateur pourra éventuellement révoquer l’adjudication et reprendre la procédure au stade de l’évaluation des offres. Il devra alors procéder à une nouvelle évaluation des offres qui étaient en lice à l’époque de l’adjudication (en retranchant celle de l’entreprise originellement adjudicataire), afin de prononcer la nouvelle adjudication. Le marché est alors attribué au concurrent qui devient le mieux-disant.

S’il apparaît, après examen de ces différents points, qu’une révocation n’est pas indiquée, il demeure toujours la possibilité pour l’adjudicateur d'œuvrer dans le sens d'une entente au sujet des prix (p. ex. remise) avec l’entreprise adjudicataire.

Lorsque les travaux en cours sont en revanche très avancés, la révocation de l’adjudication pourrait s’avérer peu favorable aux intérêts de l’adjudicateur. En effet, organiser une nouvelle procédure marchés publics pour les prestations restantes peut se révéler compliqué et chronophage, même s’il est parfois possible de recourir à une procédure de gré à gré exceptionnel au sens de l’article 8 RLMP-VD.

 


Secrétariat général du DIRH (SG-DIRH)

En savoir plus

Site internet de l’Etat de Vaud : www.vd.ch/marches-publics

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