Chronique des marchés publics : Le gré à gré comparatif

Cette chronique présente des problématiques rencontrées par les communes ou leurs mandataires dans le cadre de l’application des marchés publics, qui sont régulièrement soumises pour détermination au Centre de compétences sur les marchés publics du canton de Vaud (CCMP-VD). Elle vise à sensibiliser les communes sur certains aspects particuliers des marchés publics, et à leur fournir les outils nécessaires à la résolution de situations parfois complexes.

Photo d'illustration de grues de chantier
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Publié le 30 juin 2017

Le gré à gré comparatif

Depuis le 1er juillet 2017, le gré à gré comparatif est inscrit dans la loi vaudoise sur les marchés publics (art. 7 al. 1 let. c LMP-VD). Cette modification ouvre de nouvelles perspectives aux pouvoirs adjudicateurs vaudois. Ils disposent désormais d’un procédé sans formalisme, adapté à leurs besoins dans l’attribution de marchés simples pour lesquels le prix est le seul élément déterminant. Le gré à gré comparatif doit cependant être appliqué avec prudence au vu des risques de confusion qu’il peut créer avec la procédure sur invitation. La présente contribution vise à fournir aux pouvoirs adjudicateurs vaudois les éléments clés permettant une bonne application de ce procédé.

Le droit des marché publics connaît un nombre défini de procédures : la procédure ouverte, la procédure sélective, la procédure sur invitation et la procédure de gré à gré. Le choix d’appliquer une procédure plutôt qu’une autre est fonction de la nature du marché en cause (fournitures, services, travaux de second œuvre, travaux de gros œuvre) et de la valeur de ce dernier. Le gré à gré comparatif est une modalité de la procédure de gré à gré dans laquelle le pouvoir adjudicateur s’adresse directement aux soumissionnaires de son choix afin d’attribuer le marché à l’un d’entre eux, sans passer par un appel d’offres. Il permet au pouvoir adjudicateur de s’adresser simultanément à plusieurs soumissionnaires de son choix et d’entamer, au besoin, des négociations directement avec un ou plusieurs de ces soumissionnaires. Le gré à gré comparatif est caractérisé par l’absence de règles formelles à respecter et offre une certaine souplesse aux pouvoirs adjudicateurs. Un tel procédé vise notamment à assurer un processus rapide, facile et bon marché dans le cadre de l’attribution de petits marchés simples. Le gré à gré comparatif n’est toutefois pas une zone de non-droit et le marché devra être négocié dans le respect des principes généraux des marchés publics.

Désormais partie intégrante du droit cantonal vaudois, le gré à gré compa-ratif sera vraisemblablement intégré dans les législations intercantonales et fédérales dans un futur proche, dans le cadre de la révision de la Loi fédérale sur les marchés publics et de l’Accord intercantonal sur les marchés publics.

Conditions d’application du gré à gré comparatif

Le gré à gré comparatif n’est possible qu’à certaines conditions et moyennant le respect de quelques règles de conduite par les pouvoir adjudicateurs. Premièrement, le gré à gré comparatif ne peut intervenir que dans les seuils de la procédure de gré à gré inscrits à l’annexe 1 de l’Accord intercantonal sur les marchés publics (AIMP), c’est-à-dire pour des valeurs du marché s’élevant jusqu’à CHF 100’000.- pour les marchés de fournitures, jusqu’à CHF 150’000.- pour les marchés de services et pour les marchés de travaux de second œuvre et jusqu’à CHF 300’000.- pour les marchés de travaux de gros œuvre. Deuxièmement, il est destiné à des marchés simples dans lesquels le critère du prix est seul déterminant. Puisque le prix constitue l’unique caractéristique décisive pour l’adjudication, seule une offre financière portant sur le prix peut être demandée par le pouvoir adjudicateur sur la base d’un cahier des charges comprenant le descriptif des prestations recherchées. Aucune autre information ne devrait être réclamée aux soumissionnaires (on pense ici à des critères qualitatifs de la prestation, tels que les personnes clés à disposition dans l’entreprise, l’organisation du soumissionnaire ou encore la composante développement durable). S’agissant des marchés dis «simples», les biens ou services largement standardisés correspondent en principe à cette notion. En revanche, pour des prestations qui présentent une certaine complexité, comme c’est souvent le cas dans les marchés de services et de travaux, où l’évaluation ne se limite pas au seul critère du prix mais porte nécessairement aussi sur l’aspect qualitatif des prestations recherchées, le gré à gré comparatif ne devrait pas être appliqué. Troisièmement, les principes généraux des marchés publics tels que les principes de transparence, de l’interdiction de l’arbitraire, de la bonne foi et de l’organisation d’une procédure équitable doivent être respectés en cas de recours au gré à gré comparatif. Il va sans dire que le principe du respect des conditions de travail et des dispositions relatives à la protection des travailleurs et à l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes s’impose également aux soumissionnaires approchés dans le cadre du gré à gré comparatif. Au surplus, le pouvoir adjudicateur doit traiter les offres de façon confidentielle et ne pas divulguer les éléments contenus dans une offre à d’autres soumissionnaires, même lorsqu’il engage des négociations avec eux.

Risque de confusion

Le gré à gré comparatif est un procédé de nature hybride, situé entre la procédure de gré à gré ordinaire, par définition informelle, et la procédure sur invitation, soumise à des règles impératives, notamment en matière d’annonce des critères d’évaluation et d’ouverture des voies de droit pour contester les décisions du pouvoir adjudicateur. De plus, les négociations sont autorisées dans la première procédure mais pas dans la seconde. Le recours à une procédure de gré à gré comparatif présente dès lors un risque, pour les pouvoirs adjudicateurs, de donner l’impression aux soumissionnaires qu’ils appliquent une procédure sur invitation, et partant le régime légal prévu pour cette procédure, alors que ce n’est pas leur volonté. Un comportement peu clair de la part du pouvoir adjudicateur peut conduire à des contestations des soumissionnaires quant à la procédure suivie.

Le pouvoir adjudicateur qui souhaite recourir au gré à gré comparatif doit adopter un comportement transparent afin de ne pas créer chez les soumissionnaires approchés la représentation erronée que la procédure suivie est la procédure sur invitation. Pour ce faire, le pouvoir adjudicateur doit indiquer aux soumissionnaires approchés qu’il applique le gré à gré comparatif et ce, en amont du processus. Il doit veiller à ne pas procéder à des actes formels relevant d’autres procédures tels que l’établissement d’un procès-verbal d’ouverture des offres ou encore éviter l’utilisation du terme «appel d’offres» dans ses documents éventuels. Enfin, le pouvoir adjudicateur qui évaluerait des offres en se fondant sur plusieurs critères pourrait se voir reprocher d’appliquer une procédure sur invitation sans en respecter les règles formelles. On songe notamment à l’obligation d’annoncer préalablement les critères d’évaluation, leur pondération respective et la méthode de notation du critère du prix conformément au principe de la transparence.

Bonnes pratiques à adopter

Outre le respect des conditions d’application du gré à gré comparatif énumérées ci-avant, il est attendu des pouvoirs adjudicateurs qu’ils adoptent un comportement conforme à la bonne foi tout au long de la procédure. Les pouvoirs adjudicateur qui pratiquent le gré à gré comparatif, qui procèdent à des comparaisons entre les offres et qui entament des négociations avec les soumissionnaires doivent veiller à ne pas exercer une pression exagérée sur les prix, pression qui pourrait avoir pour corollaire un risque élevé de non-respect des conditions de travail et de salaires applicables par les soumissionnaires. Enfin, le nombre d’offres demandées par le pouvoir adjudicateur devrait rester dans un rapport raisonnable avec la valeur des prestations demandées.

Le Centre de compétence sur les marchés publics a édicté des recommandations à l’attention des pouvoirs adjudicateurs afin de les guider au mieux lorsque ces derniers décident d’appliquer le gré à gré comparatif. Ces recommandations sont accessibles à tout un chacun sur le site internet de l’Etat de Vaud, sous la rubrique «directives et conditions» de la page consacrée aux marchés publics (http://www.vd.ch/themes/economie/marches-publics/directives-et-conditions/).

 


Secrétariat général du DIRH (SG-DIRH)

En savoir plus :

Site internet de l’Etat de Vaud : www.vd.ch/marches-publics

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