Chronique des marchés publics : L'offre anormalement basse

Cette chronique présente des problématiques rencontrées par les communes ou leurs mandataires dans le cadre de l’application des marchés publics, qui sont régulièrement soumises pour détermination au Centre de compétences sur les marchés publics du canton de Vaud (CCMP-VD). Elle vise à sensibiliser les communes sur certains aspects particuliers des marchés publics, et à leur fournir les outils nécessaires à la résolution de situations parfois complexes.

Photo d'illustration de grue de chantier
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Publié le 18 mars 2016

L’offre anormalement basse

Le domaine des marchés publics est gouverné par une série d’objectifs et de principes parmi lesquels figurent notamment la concurrence efficace entre les soumissionnaires, l’utilisation parcimonieuse des deniers publics, ainsi que le respect des dispositions relatives à la protection des travailleurs et aux conditions de travail.

Au moment de l’ouverture des offres, mais aussi lors de l’examen approfondi de celles-ci, les prix proposés par les soumissionnaires constituent souvent l’un des premiers éléments retenant l’attention du pouvoir adjudicateur. Il peut alors arriver que le pouvoir adjudicateur soit confronté à des prix particulièrement attractifs. Face à une situation de ce type, le pouvoir adjudicateur doit faire preuve de curiosité et prendre quelques précautions. Il pourrait en effet s’agir d’une offre anormalement basse.

Selon la jurisprudence, est considéré comme anormalement basse une offre qui présente un écart de 30% par rapport à la moyenne des offres en lice. Toutefois, le seuil fixé à 30% par la jurisprudence ne constitue pas une limite impérative, dans la mesure où le pouvoir adjudicateur peut fixer un seuil (plus sévère) dans ses documents d’appel d’offres.

Le devoir de contrôle

La loi prévoit qu’en présence d’une offre anormalement basse, le pouvoir adjudicateur doit prendre la précaution de s’informer - en la forme écrite - sur la composition de l’offre auprès du soumissionnaire. A ce sujet, l’article 36 du Règlement d’application de la loi vaudoise sur les marchés publics (RLMP-VD), intitulé «Offres anormalement basses» prévoit : «Si pour un marché donné, des offres paraissent anormalement basses par rapport à la prestation, l’adjudicateur (….) demande par écrit les précisions qu’il juge opportunes sur la composition de l’offre. Ces précisions peuvent concerner notamment le respect des dispositions concernant la protection et les conditions de travail définis à l’article 6». L’article 6 RLMP-VD décrit les conditions de travail et de salaire comme étant celles fixées par les conventions collectives et les contrats-types de travail; en leur absence, ce sont les prescriptions usuelles de la branche professionnelle qui s’appliquent.

Dans ce contexte, l’adjudicateur ne doit pas se contenter de demander une confirmation du prix, mais doit véritablement inviter le soumissionnaire à donner des explications circonstanciées sur le prix offert.

En instituant un devoir de contrôle par l’adjudicateur, le législateur a souhaité offrir au soumissionnaire l’occasion de justifier ses prix, et par là garantir son droit d’être entendu. En effet, un prix anormalement bas pourrait résulter de l’inexpérience du soumissionnaire ou, par exemple, du non-respect des conditions sociales ou de travail. Cependant, il pourrait tout aussi bien être dû à des méthodes de fabrication particulièrement économiques, à l’originalité de la prestation proposée, qui reposerait sur des procédés innovateurs et avantageux ou encore sur une organisation particulièrement efficace de la réalisation du projet. L’auteur de l’offre a donc, à ce stade, la possibilité de renverser la présomption d’offre anormalement basse.

La jurisprudence n’a pas précisé si seul le montant global de l’offre était déterminant pour apprécier si une offre est anormalement basse. Récemment, la CDAP a considéré que dans l’hypothèse d’un marché de construction en entreprise générale de grande ampleur (l’appel d’offres se décomposait en neuf «classeurs» comportant chacun entre 2 et 33 CFC), il n’y avait pas lieu d’attendre de l’adjudicateur qu’il demande des éclaircissements aux soumissionnaires pour chacun des CFC, mais qu’il aurait néanmoins dû le faire lorsqu’un groupe de CFC, correspondant à une catégorie de prestations, présentait un écart de plus de 30% vers le bas par rapport à la moyenne des offres. En effet, si le marché avait été segmenté en différents lots, les prix offerts pour chacun d’eux auraient été analysés par l’adjudicateur. Or, il ne se justifie pas de poser des exigences moins élevées en raison du fait que la construction fait l’objet d’un seul marché adjugé en entreprise générale.

Un motif d’exclusion

Lorsqu’une offre comporte des prix anormalement bas non justifiés, l’adjudicateur dispose d’un motif d’exclusion de l’offre au sens de l’article 32 RLMP-VD (al. 1, 2ème tiret, lettre b). Celui-ci prévoit qu’«une offre peut être exclue notamment : lorsque l’offre comporte des prix anormalement bas non justifiés selon l’article 36».

Sur le plan matériel, la règle prescrite à l’article 32, 2ème paragraphe, let. b RLMP-VD doit être comprise en ce sens que chaque soumissionnaire doit remplir les conditions de participation et satisfaire aux modalités du marché ; en d’autres termes, il doit lui être normalement possible d’exécuter le travail selon les règles de l’art. On ne peut parler de travail exécuté dans les règles de l’art lorsque le soumissionnaire présente une offre qui impliquerait pour lui de travailler à perte. De même, cette exigence ne sera pas remplie lorsque la prestation est proposée en dessous du prix de revient, lorsque la somme de toutes les positions ne permet pas d’espérer un gain approprié ou ne permet de s’y attendre que si le travail n’est pas exécuté correctement.

Ainsi, dans la mesure où il a pris toutes les mesures obligatoires de contrôle de l’offre, que le soumissionnaire remplit les critères d’aptitude et les conditions légales règlementant l’accès à la procédure et qu’enfin le sou- missionnaire a donné une explication convaincante du prix particulièrement attractif, l’adjudicateur pourrait retenir une telle offre. Une offre anormalement basse ne constitue en effet pas un procédé inadmissible en soi. En revanche, lorsque le soumissionnaire ne parvient pas à donner une explication convaincante après y avoir été invité, l’adjudicateur dispose d’un juste motif pour exclure son offre de la procédure. Cette exclusion relève du pouvoir d’appréciation de l’adjudicateur et fait l’objet d’une décision sujette à recours dans les dix jours.

 


Secrétariat général du DIRH (SG-DIRH)

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Site internet de l’Etat de Vaud :
www.vd.ch/marches-publics

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