Rôle du Surveillant des prix et domaines d'intervention au niveau communal

Photo portrait de M. Stefan Meierhans, Surveillant des prix
M. Stefan Meierhans, Surveillant des prix M. Stefan Meierhans, Surveillant des prix
Publié le 27 juin 2019

Dans cette contribution, nous allons retracer le rôle du Surveillant des prix et identifier ses domaines d’intervention, en particulier vis-à-vis des communes. Nous allons voir que le Surveillant des prix est compétent pour intervenir en vertu de l’article 14 de la loi fédérale sur la surveillance des prix – LSPr (1.) et se prononcer sur des prix administrés (2.) tant au niveau fédéral, cantonal que communal (3.). Comme illustration de cette compétence, nous allons voir comment procéder en pratique et aller de l’avant. Nous prendrons l’exemple du domaine des eaux usées, domaine qui occupe passablement la Surveillance des prix (4.). Nous traiterons par ailleurs de la question de la non-consultation du Surveillant des prix, qui, comme nous le verrons, n’est pas sans conséquence pour l’autorité concernée (5.). Nous conclurons enfin sur le rôle du Surveillant des prix selon l’art. 14 LSPr (6.).

1. L’art. 14 LSPr

Le Surveillant des prix intervient sur la base de l’article 14 de la loi fédérale sur la surveillance des prix (RS 942.20 – LSPr) lorsqu’une autorité procède à une augmentation, au maintien ou à une baisse1 de prix. L’autorité législative ou exécutive – fédérale, cantonale ou communale – qui est compétente pour fixer ou approuver des tarifs doit en effet consulter la Surveillance des prix. Selon l’autorité concernée, le tarif soumis au contrôle peut prendre la forme d’une loi ou d’une ordonnance.

Dans le cadre de l'art. 14 LSPr, le Surveillant des prix a la faculté d'émettre une recommandation et est libre d’en faire usage ou non : "le Surveillant peut proposer de renoncer en tout ou partie à l'augmentation de prix ou d'abaisser le prix maintenu abusivement" (art. 14 al. 1 LSPr). Il n’est donc pas forcément obligé de prendre matériellement position sur chaque tarif ou partie d’un tarif qui lui est soumis. A cet égard, il a une marge d’appréciation pour l’utilisation efficace de ses ressources2. Par contre, l’autorité à qui est adressée la recommandation doit mentionner l’avis du Surveillant des prix dans sa décision et s’expliquer si elle s’en écarte (art. 14. Al. 2 LSPr). Nous reviendrons plus loin sur la question de la nonconsultation du Surveillant des prix et de ses conséquences.

2. La notion de prix administrés

La notion de prix administrés peut être définie de multiples façons, nous prendrons la définition la plus étroite et celle la plus large3. Selon une interprétation stricte de la notion, il faut entendre par prix administrés ceux pour la formation desquels l’autorité est directement impliquée, que ce soit pour la fixation d’un prix ou son approbation. Dans une acception plus large, il faut entendre par prix administré tout prix influencé par l’Etat d’une quelconque manière, que ce soit par une mesure étatique ou par une réglementation.

Outre le principe de la légalité, le Surveillant des prix met en œuvre deux autres principes très importants qui découlent de la Constitution fédérale et qui ont été confirmés à moultes reprises par le Tribunal fédéral4: celui de la couverture des coûts, selon lequel le montant total des recettes de la taxe ne doit pas dépasser la charge financière globale du service étatique concerné, et celui d’équivalence, selon lequel les taxes publiques correspondent aux avantages économiques et juridiques objectifs dont bénéficie le contribuable et se situent dans des limites raisonnables. Un autre principe qui découle du principe de la couverture des coûts et qui s’applique lorsqu’il y a une atteinte à l’environnement est celui de causalité ou principe du pollueur-payeur, selon lequel celui qui est à l’origine d’une atteinte à l’environnement doit assumer les frais des mesures prescrites par la loi.

3. Les niveaux fédéral, cantonal et communal

 

Carte de la Suisse fractionnée par canton

Le Surveillant des prix intervient tout d’abord dans plusieurs domaines au niveau fédéral, par exemple dans celui de la redevance SSR ou des droits d’auteur. Au niveau cantonal, ses domaines d’intervention sont notamment les tarifs des médecins (TARMED), les tarifs des hôpitaux, les tarifs de notaire ou les primes d’assurance bâtiment. Au niveau communal, le Surveillant des prix traite notamment de domaines comme l’eau, les eaux usées, les déchets, le gaz, le transport urbain, les tarifs des taxis, les places de parc, les stands de marché, les places d’amarrage ou les emplacements des taxis.

4. Comment aller de l’avant

Selon le principe de couverture des coûts, le montant total des recettes de la taxe ne doit pas dépasser la charge financière globale du service étatique concerné. Cela ne signifie pas pour autant que les émoluments doivent couvrir les coûts. Le principe de couverture des coûts n’a qu’une fonction de plafond. Ainsi, c’est une limite maximale – la dépasser constitue automatiquement un abus dans le cas d’émoluments qui sont uniquement liés aux coûts5. Cela vaut notamment pour les taxes sur l’eau et les eaux usées6.

L’intervention du Surveillant des prix au niveau communal porte comme on l’a vu sur plusieurs domaines, mais parmi les plus fréquents, on trouve ceux de l‘approvisionnement en eau et de l’évacuation des eaux usées et celui des déchets. Afin de faciliter la prise en considération tant des exigences du Surveillant des prix que des prescriptions cantonales, la Surveillance des prix a élaboré différents modèles qu’elle a rédigés en collaboration avec plusieurs cantons. Les communes ont à leur disposition de nombreuses informations utiles qu’elles peuvent trouver sur le site Web de la Surveillance des prix7, telles que le «Guide et listes de contrôle concernant la fixation des taxes sur l’eau et les eaux usées», la «Méthode d’examen des tarifs de l’eau et des eaux usées» ou les «Informations sur l’obligation d’audition pour les communes et les cantons conformément à l’art. 14 LSPr».

En 2018, par exemple, la Surveillance des prix a étroitement collaboré avec les autorités cantonales du Valais et du Jura pour mettre au point des règles communes de fixation des tarifs en matière de distribution d’eau potable, d’évacuation et d’épuration des eaux usées. Le but poursuivi par de tels arrangements était de coordonner les exigences des cantons quant au financement des installations avec les exigences du Surveillant des prix d’éviter un abus de prix au sens de la LSPr.

Photo d'une STEP

5. La non-consultation du Surveillant des prix

L’obligation pour l’autorité de consulter le Surveillant des prix découle de l’art. 14 al. 1 LSPr qui précise que l’autorité «prend au préalable l’avis du Surveillant des prix». Le but d’une telle disposition est «de permettre à l’organe décisionnel de se prononcer en connaissance de cause»8. Lorsqu’une autorité ne consulte pas le Surveillant des prix avant de mettre en vigueur son nouveau tarif, elle viole le droit fédéral et son tarif est entaché d’un vice de forme. La non-consultation peut entraîner des conséquences sérieuses telles que l’annulation du tarif sur recours. Il en va de même lorsque l’autorité n’explique pas les raisons pour lesquelles elle ne suit pas la recommandation du Surveillant des prix (art. 14 al. 2 LSPr).

Plus de 30 ans après l’entrée en vigueur de la loi sur la surveillance des prix, les autorités cantonales et communales en Suisse devraient être au courant de l’obligation de consulter le Surveillant des prix avant de décider ou d’approuver des taxes. Si elles ne respectent pas cette obligation, elles violent le droit fédéral, avec les conséquences que cela implique. La Commune de Weisslingen, par exemple, s’est vu annuler sa décision par le conseil de district de Pfäffikon en août 2017, au motif qu’elle n’avait pas consulté le Surveillant des prix avant de prendre sa décision, ce qui est contraire à l’art. 14 LSPr. Peu de temps après, en août 2018, le conseil de district de Bülach a annulé la décision de la Commune de FreiensteinTeufen, le Surveilllant des prix n’ayant pas été consulté. Plus récemment encore, en février 2019, le Tribunal cantonal vaudois a admis le recours d’un administré pour vice de forme. La Commune de Concise n’avait consulté le Surveillant des prix que postérieurement à l’adoption de ses règlements.

6. Conclusion

Lorsqu’il émet une recommandation, le Surveillant des prix a besoin de la collaboration éclairée des autorités concernées. Une telle collaboration consiste notamment à signaler au préalable au Surveillant des prix l’augmentation, le maintien ou la baisse de prix administrés, en fournissant toutes pièces utiles9, mais également en mentionnant par la suite la recommandation du Surveillant des prix dans leur décision et en s’expliquant si elles ne la suivent pas.

 

1 Cette compétence de trancher une baisse résulte d’une décision du 28 septembre 1998 du Conseil fédéral qui a interprété l’art. 14 LSPr.
2 Cf. JAAC 66.74, p. 4.
3 Voir notamment le document de la Surveillance des prix paru en avril 2005 intitulé «Administrierte Preise : Rechtssituation, Ökonomie und Inventarisierung», https://www.preisueberwacher.admin.ch/pue/fr/home/documentation/publications/etudes---analyses/2005.html.
4 Voir notamment ATF 143 I 220 ss
5 Il faut distinguer ces émoluments de ceux qui comportent des aspects fiscaux ou incitatifs dont les coûts pourraient être amenés à dépasser le plafond.
6 Voir le document de la Surveillance des prix intitulé «Méthode d’examen des tarifs de l’eau et des eaux usées», publié en janvier 2018, p. 4.
7 Voir les divers documents de la Surveillance des prix sous https://www.preisueberwacher.admin.ch/pue/fr/home/themes/infrastructure/eaux-usees.html
8 Voir l’arrêt récent du Tribunal cantonal vaudois du 13 février 2019 contre la Commune de Concise.
9 Voir notamment sur les documents à fournir les «Informations sur l’obligation d’audition pour les communes et les cantons conformément à l’art. 14 LSPr», p. 6.

 


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