La RFFA, réforme fiscale et financement de l'AVS
Adoptée l’automne dernier par le Parlement et combattue par référendum, la Réforme fiscale et financement de l’AVS (RFFA) est soumise le 19 mai au vote du peuple suisse. La RFFA a deux buts ; adapter la fiscalité des entreprises aux nouveaux standards internationaux en maintenant la compétitivité de la Suisse et améliorer le financement de l’AVS.
Pour le Canton de Vaud, la RFFA représente le volet fédéral de la Réforme vaudoise de la fiscalité des entreprises (RIE III vaudoise) acceptée par 87,12% de oui en mars 2016 et mise en œuvre le 1er janvier de cette année.
Voici des années que le sujet occupe la vie politique. Il trouve son origine dans la nécessité de supprimer les statuts spéciaux cantonaux appliqués aux entreprises réalisant l’essentiel de leur chiffre d’affaire à l’étranger. Ces statuts sont contestés par l’OCDE, l’Union européenne et le G20 et la Suisse a admis leur abrogation, tout en cherchant à éviter l’exode des sociétés concernées. Elles sont au nombre d’environ 25'000 dans le pays et représentent 150'000 emplois directs et 400'000 emplois induits. Elles réalisent près de 50% des investissements privés dans la recherche et le développement (R&D) et versent aux collectivités près de 7 milliards de francs d’impôts sur le bénéfice.
Confédération et cantons interdépendants
Dans la Suisse fédéraliste, cantons et Confédération doivent agir conjointement. A chaque canton de décider souverainement d’un taux unique mettant fin à la différence entre taux ordinaire et taux des statuts. Les entreprises qui avaient des statuts spéciaux verront leur fiscalité augmenter un peu, les autres la verront diminuer plus significativement et toutes seront à l’avenir imposées de la même manière.A la Confédération de supprimer formellement les statuts, définir des règles fiscales complémentaires et verser des compensations aux cantons, chargés d’en reverser une partie aux communes (voir encadré). Le passage aux taux uniques cantonaux a en effet des conséquences financières - considérées comme un investissement dans la santé économique du pays - qui ont dû être réparties.
Oui vaudois, non fédéral
Vaud a atteint ses objectifs. Selon une feuille de route définie dès 2014, la RIE III vaudoise a retenu un taux unique d’imposition des sociétés de 13,79%. Taux assorti d’améliorations dans le domaine de l’assurance-maladie, des allocations familiales, de l’accueil de jour des enfants, etc. Recherchant l’équilibre, portée par une large coalition politique, cette réforme a été très largement adoptée en mars 2016 par 87,12% des votants. Sa mise en œuvre a été confirmée en 2017 par le Conseil d’Etat dans son programme de législature et activée au 1er janvier 2019 malgré le retard pris par la Confédération.
Car, à Berne, le changement a été refusé. 59,1% des votants ont dit non, le 12 février 2017, à la RIE III fédérale. Avec 51,3% de oui, Vaud se trouvait parmi la faible minorité de quatre cantons acceptants. Or, sans action de la Confédération, pas de versements supplémentaires aux cantons (passage de 17% à 21,2% de la part d’impôt fédéral qui leur est rétrocédée), pas de nouvelles règles fiscales harmonisées pour les sociétés sortant des statuts. Et pas de sortie des statuts du tout, donc pas un franc d’impôts de plus payé par les entreprises concernées. Il en découle des insuffisances. Pour Vaud et ses communes ce sont 128 millions de francs au total qui manquent aujourd’hui dans le financement de la RIE III cantonale.
Economique et sociale
Le Conseil fédéral et le Parlement ont dû revoir leur copie en profondeur. Ils ont finalement décidé de lier la réforme de la fiscalité des entreprises à des financements supplémentaires pour l’AVS, autre réforme qui a été refusée en votation populaire en 2017. D’où l’appellation RFFA, pour réforme fiscale ET financement de l’AVS. Pour ses concepteurs c’est un équilibre inspiré de celui trouvé dans le Canton de Vaud qui a été recherché. Dès 2020 quelque deux milliards de francs de plus seront versés chaque année à l’AVS, soit l’équivalent du volet économique de la réforme. Environ 800 millions de francs viendront de la caisse fédérale, le reste d’une hausse des cotisations de 0,15% pour les employés et de 0,15% pour les employeurs. Cela n’évitera pas une révision plus en profondeur de l’AVS, mais doit permettre de la préparer dans de meilleures conditions.
Les règles fiscales pour les sociétés sortant des statuts ont par ailleurs été revues et durcies en tirant les enseignements de l’échec de la RIE III fédérale. Pour que la Suisse soit bien positionnée dans le domaine de l’innovation, elles favorisent les activités de recherche et développement (R&D). Des limites ont été posées pour les réductions de l’imposition des dividendes des actionnaires qualifiés et pour le total des allègements possibles. Ces limites sont similaires à celles adoptées dans le Canton de Vaud. Enfin (voir encadré) les communes ont été écoutées et prises en compte.
Majorité au Parlement
Pour les opposants à la RFFA, le mélange de fiscalité et d’AVS ne se justifie pas. Ils trouvent aussi la réforme trop coûteuse et contestent les règles complémentaires en estimant réduits les risques de départ des sociétés sortant des statuts. La RFFA a trouvé une majorité au Parlement. Le Conseil fédéral recommande un oui : «A long terme, écrit-il, la RFFA assure la prospérité générale de la Suisse, garantit la sécurité juridique et la sécurité en matière de planification pour les entreprises et contribue à assurer la pérennité des rentes.» Pour le Canton de Vaud qui a été pionnier c’est la stabilisation de sa propre réforme qui est en question.
Secrétariat général du DFIRE (SG-DFIRE)
A l'écoute des communes
Dès l’esquisse de la RIE III cantonale, Vaud s’est soucié de son impact sur les communes. Il a prévu de leur rétrocéder une part des financements complémentaires de la Confédération. Puisque la RFFA a pris du retard, il a ensuite accepté de «faire le joint» en avançant cet argent en 2019 (voire en 2020 si nécessaire). Ainsi, 50 millions de francs seront répartis entre les communes proportionnellement au rendement de l’impôt sur les entreprises entre 2015 et 2017. Ensuite, la loi sur les péréquations intercommunales prévoit la répartition de la part communale à la péréquation fédérale.
Avec la RFFA, la Confédération prend aussi en compte les communes. L’Union des Villes suisses soutient le projet, appréciant que le niveau communal y ait été associé. La RFFA contient ainsi une clause communale contraignante stipulant que les cantons «octroient aux communes une compensation appropriée pour les conséquences de la réforme.»
Liens utiles:
Site de la Confédération : https://www.efd.admin.ch/efd/fr/home/le-dff/legislation/votations/staf/fb-steuervorlage17.html
Site de l'Union des Villes suisses : https://staedteverband.ch/144/fr/les-villes-soutiennent-le-projet-fiscal?share=1