Chronique des marchés publics: La motivation de la décision d'adjudication
Cette chronique présente des problématiques rencontrées par les communes ou leurs mandataires dans le cadre de l’application des marchés publics, qui sont régulièrement soumises pour détermination au Centre de compétences sur les marchés publics du canton de Vaud (CCMP-VD). Elle vise à sensibiliser les communes sur certains aspects par-ticuliers des marchés publics, et à leur fournir les outils nécessaires à la résolution de situations parfois complexes.
Dans ce numéro, nous rappellerons les exigences légales relatives à la motivation de la décision d’adjudication et de quelle manière doit intervenir la communication de cette décision.
Le droit d’être entendu tel qu’il est garanti à l’article 29 alinéa 2 de la Constitution fédérale confère à toute personne le droit d’exiger, en principe, qu’une décision défavorable à sa cause soit motivée. Cette garantie tend à éviter que l’autorité ne se laisse guider par des considérations subjectives ou dépourvues de pertinence ; elle contribue ainsi à prévenir une décision arbitraire. En droit des marchés publics vaudois, l’article 42 alinéa 2 du règlement d’application de la loi du 24 juin 1996 sur les marchés publics (RLMP-VD) prévoit que les décisions doivent être sommairement motivées et indiquer la voie de recours (voir aussi l’article 13, alinéa 1, lettre h de l’accord intercantonal du 25 novembre 1994 sur les marchés publics).
Motivation de la décision
La motivation d’une décision par le pouvoir adjudicateur doit permettre au soumissionnaire non retenu de comprendre ladite décision afin que ce dernier puisse exercer son droit de recours à bon escient. D’après la jurisprudence, la motivation d’une décision d’adjudication peut être considérée comme suffisante lorsqu’elle fournit une justification adéquate du choix opéré sur la base des critères d’adjudication fixés dans les documents d’appel d’offres, ce qui signifie qu’elle doit fournir une explication raisonnable des évaluations de chacune des offres, de manière que les concurrents puissent les comparer et soulever d’éventuelles contestations (arrêt de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du 1er avril 2019, MPU.2018.0028, consid. 2a). La décision d’adjudication du pouvoir adjudicateur ne peut dès lors pas se réduire à l’indication selon laquelle le marché a été adjugé à l’offre économiquement la plus avantageuse.
En pratique, la motivation sommaire se résume à la transmission, à chaque soumissionnaire, d’un extrait du tableau des notes (grille d’évaluation) comprenant au minimum les siennes et celles de l’adjudicataire. Le pouvoir adjudicateur doit y indiquer les notes attribuées pour chaque critère, voire chaque sous-critère si ceux-ci ont été publiés avec leur pondération respective dans les documents d’appel d’offres, et non pas uniquement la note globale de l’offre du soumissionnaire. Pour davantage de transparence, le Centre de compétence sur les marchés publics du canton de Vaud (CCMP-VD) recommande aux pouvoirs adjudicateurs de communiquer la grille d’évaluation complète, avec les notes de tous les soumissionnaires.
Pour mémoire, la motivation de la décision est également rappelée à l’article 9 lettre b de la charte éthique vaudoise des marchés publics signée par l’État de Vaud, les associations de communes vaudoises et les principaux partenaires du secteur vaudois de la construction.
Indication de la voie de recours
Avec l’obligation de motivation, l’exigence de faire figurer, dans la décision, la voies de droit – y compris le délai et l’autorité compétente – est une des règles les plus importantes concernant le contenu et la forme de la décision d’adjudication. L’article 10, alinéa 1, lettre d de la loi du 24 juin 1996 sur les marchés publics (LMP-VD) prévoit expressément que la déci-sion d’adjudication peut faire l’objet d’un recours dans les dix jours dès sa notification ou sa publication. Dans le Canton de Vaud, l’autorité compétente pour traiter les recours contre les décisions rendues en matière de marchés publics est la Cour de droit administratif et public (CDAP) du Tribunal cantonal. Il convient dès lors d’intégrer une clause de ce type aux décisions d’adjudication :
La présente décision peut faire l’objet d’un recours auprès de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal (av. Eugène-Rambert 15, 1014 Lausanne). Le recours s’exerce par écrit dans les dix jours à compter de la notification de la décision attaquée. Il doit être signé et indiquer les conclusions et motifs du recours. La décision attaquée est jointe au recours.
Communication de la décision
S’agissant de la communication de la décision d’adjudication, l’article 42 alinéa 1 RLMP-VD prévoit une notification individuelle. Ainsi, les décisions d’adjudication des pouvoirs adjudicateurs communaux doivent être notifiées individuellement aux soumissionnaires. La loi sur la procédure administrative vaudoise prescrit une notification des décisions à leurs destinataires sous pli recommandé ou par acte judiciaire (cf. article 44 alinéa 1 de la loi du 28 octobre 2008 sur la procédure administrative [LPA-VD]). Les décisions d’adjudication de gré à gré aux conditions de l’article 8 (aussi appelé «gré à gré exceptionnel») constituent l’exception à la règle et doivent uniquement être publiées sur la plateforme simap.ch, qui fait foi, et dans la Feuille des avis officiels du Canton de Vaud (FAO), conformément aux articles 39 alinéa 3 et 42 alinéa 1 RLMP-VD.
Explications supplémentaires sur demande d’un soumissionnaire
Enfin, le pouvoir adjudicateur doit garder à l’esprit qu’en cas de demande d’un soumissionnaire non retenu pour l’adjudication, il est tenu de lui indiquer les motifs essentiels pour lesquels son offre n’a pas été retenue, ainsi que les caractéristiques et avantages de l’offre retenue (cf. article 42 alinéa 3 RLMP-VD). Il est donc fortement conseillé au pouvoir adjudicateur qui rend sa décision de réserver du temps pour recevoir les soumissionnaires non retenus qui souhaiteraient obtenir des compléments d’information sur l’évaluation de leur offre et celle de l’adjudicataire. Une éventuelle séance d’explication doit permettre aux soumissionnaires non retenus de mieux comprendre les résultats de leur évaluation et, de ce fait, de prévenir autant que possible des recours fondés sur une mauvaise compréhension de la décision. Le pouvoir adjudicateur ne doit cependant pas révéler le contenu des offres des autres soumissionnaires dans la mesure où ces dernières peuvent contenir des secrets d’affaires ou de fabrication. Il est en effet tenu à un traitement confidentiel des documents qu’il reçoit des soumissionnaires, conformément à l’article 18 RLMP-VD.
Il convient finalement de garder à l’esprit que la motivation de la décision permet de favoriser un climat de transparence entre le pouvoir adjudicateur et les soumissionnaires et qu’elle tend à éviter que le pouvoir adjudicateur ne se laisse guider par des considérations entachées d’arbitraire.
Secrétariat général du DIRH (SG-DIRH)
Pour en savoir plus:
Site internet de l’Etat de Vaud : www.vd.ch/marches-publics
Charte éthique vaudoise des marchés publics (accessible sur le site internet du groupe vaudois pour des marchés publics éthiques : https://marchespublics-vaud.ch/).
Les annexes W3 et W4 du Guide romand (disponibles sur le site internet de l’État de Vaud) contiennent les lettres-types usuellement utilisées pour communiquer la décision d’adjudication à l’adjudicataire et aux soumissionnaires non retenus.
Rubriques:
- Aspects sociaux et environnementaux des marchés publics
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