La nouvelle loi sur l’exercice des droits politiques (LEDP) et ses conséquences pour les communes
Adoptée par le Grand Conseil vaudois le 5 octobre 2021 et en vue d’une entrée en vigueur le 1er janvier 2022, la nouvelle loi sur l’exercice des droits politiques (LEDP) innove par l’introduction de règles visant à assurer une meilleure transparence du financement de la vie politique. La présente contribution détaille ces règles ainsi que les principales nouveautés qui auront un impact sur le processus démocratique dans les communes.
Des règles visant à assurer la transparence du financement de la vie politique
Les règles sur la transparence du financement de la vie politique se décompensent en deux volets : la publication des comptes (annuels et de campagne) et la publication des dons. Ces obligations s’appliqueront dans toutes les communes de plus de 10'000 habitants, autant lors des élections que des votations. Les communes de moins de 10'000 habitants ne sont donc nullement concernées par ces règles.
Les partis politiques représentés par au moins un conseiller communal au cours de l’année civile écoulée seront tenus de publier leurs comptes annuels le 30 juin. Lors de chaque élection et votation, ces formations politiques devront également rendre publics leurs comptes de campagne. Cette obligation pèsera également sur les comités de campagne et autres organisations participant de manière significative à la campagne. Toutes ces entités seront en outre astreintes à l’obligation de publier leurs budgets de campagne 30 jours avant le scrutin en cas de votation.
L’identité des donateurs ayant fait bénéficier l’une des entités précitées ou un candidat à l’élection de la municipalité d’une libéralité – financière ou en nature – d’un montant supérieur à 5'000 CHF devra être révélée. La liste des donateurs concernés devra être annexée aux comptes annuels ou aux comptes de campagne. Les candidats à l’élection du conseil communal ne sont pas visés. Les communes auront cependant la possibilité d’appliquer cette règle aux candidats qui briguent un siège au conseil. Cela nécessitera au préalable une décision du Conseil communal allant en ce sens qui, en outre, devra a minima désigner l’autorité communale chargée de la réception, du contrôle et de la publication des listes de donateurs des candidats à l’élection du conseil communal.
Hormis ce cas particulier, la Direction générale des affaires institutionnelles et des communes (DGAIC) sera l’autorité compétente pour le contrôle et la publication des informations soumises à l’obligation de transparence. L’introduction de règles sur la transparence de la vie politique ne se traduira donc pas par une charge de travail supplémentaire pour les administrations communales.
Une modification de la procédure d’acquisition d’un nouveau domicile politique
Lors d'un déménagement, il reviendra dorénavant à la commune d’arrivée d’alerter la commune de départ de l’arrivée du nouveau citoyen afin que cette dernière procède à sa radiation immédiate et systématique du registre du corps électoral. Cette règle est issue de la législation fédérale et a cours dans la plupart des cantons. Le nouveau règlement d’application de la loi sur l’exercice des droits politiques supprime les règles sur les mutations en période de scrutin qui prévalent aujourd’hui. Contrairement à la situation actuelle, le registre du corps électoral ne sera plus figé après le transfert du registre au canton. Les inscriptions et radiations devront avoir lieu jusqu’à la clôture du registre, le vendredi précédant le scrutin, à midi. Cette solution nouvelle est plus favorable à l’électeur qui souhaite, dans la majorité des cas, pouvoir exercer ses droits politiques dans la commune dans laquelle il a décidé de s’établir. Cela lui permettra d’y voter pour les scrutins communaux et d’y déposer son enveloppe dans la boîte aux lettres communale. Cela aura en outre le grand avantage de régler la délicate question de la qualité d’électeur en cas d’initiative, de référendums ou d’élections communales en période de scrutin : l’électeur exercera systématiquement ses droits dans sa commune de domicile.
La commune d’arrivée aura dès lors pour tâche d’informer l’électeur qu’il votera dans sa nouvelle commune de domicile en s’assurant préalablement que ce dernier n’ait pas exercé son droit de vote dans la commune de départ. La confection de nouveau matériel de vote n’interviendra qu’à réception de l’attestation de radiation délivrée par la commune de départ. Une telle possibilité ne sera toutefois pas offerte aux électeurs lors de la semaine qui précède le scrutin compte tenu du délai nécessaire à opérer la radiation et distribuer du nouveau matériel de vote.
Ce changement de pratique impliquant des potentiels développements informatiques et la revue de certains processus communaux, son entrée en vigueur sera différée au 1er juillet 2022 et impactera les communes pour la votation fédérale du 25 septembre 2022. D’ici là, la direction des affaires communales et des droits politiques, en collaboration avec les comités de l’AVSM et de l’AVDCH, travaillera avec les principaux fournisseurs informatiques des communes afin d’optimiser les processus de radiation et de production de cartes de vote pour simplifier au maximum le travail des administrations communales. Des informations complémentaires seront prochainement adressées aux greffes et aux contrôles des habitants à cet effet en plus d’un article entièrement dédié à cette thématique.
Autres règles qui exerceront un impact sur la vie démocratique dans les communes
La révision de la LEDP et de son règlement d’application ont introduit un nombre important de règles nouvelles qui auront des conséquences sur les droits et obligations des autorités et acteurs politiques communaux. Les choses peuvent être résumées ainsi :
- Introduction d’un registre des partis politiques : les partis qui sont représentés par au moins l’un de leurs membres au sein d’un conseil communal d’une commune de plus de 10'000 habitants pourront être inscrits dans un registre tenu par la DGAIC. Cette inscription offrira des facilités administratives aux partis comme la possibilité de déposer une liste électorale sans parrainages ou de se constituer en comité d’initiative ou de référendum.
- Limitation du droit de consulter le registre du corps électoral (anciennement rôle des électeurs) : afin d’accroître la protection des données personnelles des électeurs, le registre du corps électoral ne pourra être consulté par les électeurs qu’à des fins de vérification de l’exactitude des données inscrites. L’électeur qui souhaite consulter le registre devra signer une déclaration sur l’honneur allant dans ce sens.
- Procédure de privation des droits politiques des personnes placées sous curatelle de portée générale : Les justices de paix transmettront aux communes uniquement les jugement instituants une curatelle de portée générale lorsque celle-ci sera liée à une incapacité durable de discernement. Ainsi, l’information sera bien transmise par les Justices de paix aux communes qui devront, comme elles le font actuellement, retirer l’exercice des droits politiques lorsqu'elles recevront un jugement. Il n'y aura en revanche pas nécessairement d'indication dans le jugement que la curatelle de portée générale est liée à une incapacité durable de discernement, mais cela ne sera pas nécessaire, puisque les communes ne recevront que les jugements concernés par une incapacité durable de discernement ; Les autres jugements ne seront pas transmis. Les municipalités sont tenues d’informer la personne concernée et son curateur de son exclusion du corps électoral et de l’existence de la procédure de réintégration, en principe via un courrier.
- Renforcement de l’implication de l’administration communale dans l’organisation du dépouillement : Le greffe municipal ou l’entité désignée par la municipalité doit dorénavant mettre à disposition du bureau électoral communal toutes les ressources matérielles et organisationnelles nécessaires au bon déroulement du scrutin. On pensera notamment à la planification des opérations ainsi qu’à la mise à disposition de processus, de matériel informatique ou de personnel de l’administration communale le jour du scrutin. Le but de cette disposition n’est en aucun cas de mettre à mal le principe de séparation des pouvoirs entre le conseil général ou communal et la municipalité, ni l’indépendance du bureau électoral, bien au contraire. Ces deux éléments visent à garantir le processus démocratique, en particulier lors de votations ou d’élections communales. Il est donc primordial que le bureau électoral garde la direction des opérations tout en bénéficiant des compétences techniques et logistiques de l’administration communale.
- Changements affectant la composition et le fonctionnement des bureau électoraux communaux : le secrétaire du conseil sera désormais un membre de droit du bureau électoral communal. Si une personne exerce la fonction de secrétaire dans deux ou plusieurs communes, alors elle se fera remplacer par un secrétaire suppléant au sein des autres communes les jours de scrutin. En outre, un membre du bureau ne pourra plus participer aux opérations de dépouillement lors des élections où il est candidat (à l’exception de l’élection du conseil communal).
- Heure de fermeture du local de vote : l’heure de fermeture du local de vote a été harmonisée sur l’ensemble du canton. Dans toutes les communes, le local de vote devra être ouvert pendant au minimum une heure et fermé à 11 heures partout. Il ne sera donc plus permis aux communes de fermer leur local de vote à 09h00, 10h00 ou 12h00 comme c’est le cas aujourd’hui.
- Vote des malades : ce n’est plus le bureau électoral communal mais l’administration communale qui sera désormais responsable du vote des malades. Charge à l’administration de se déplacer auprès des personnes qui en font la demande.
- Dépouillement anticipé : le dépouillement est systématiquement autorisé dès minuit et une minute le dimanche du scrutin, hormis lors d’un scrutin communal dans les communes à conseil général. S’agissant du dépouillement anticipé à proprement parler, le bureau électoral cantonal pourra autoriser les communes de plus de 10'000 habitants à débuter le dépouillement la veille du scrutin, soit le samedi. La commune qui souhaite procéder au dépouillement anticipé doit adresser une demande d’autorisation au bureau électoral cantonal au plus tard 16 jours avant le scrutin. Elle doit préciser le scrutin concerné et présenter les mesures prévues pour garantir le secret du vote. Dans son autorisation, le bureau électoral cantonal indique à la commune quelles sont les opérations autorisées lors du dépouillement anticipé et l’heure à laquelle elles peuvent démarrer. La saisie informatique des suffrages exprimés dans l’application Votelec ne pourra avoir lieu que le jour du scrutin. Le dépouillement anticipé sera exclu en cas de votations ;
- Prise en compte du vote blanc : les bulletins blancs seront désormais considérés comme des bulletins valables lors des votations cantonales et communales (mais pas lors des votations fédérales). Ils devront être comptabilisés au même titre que bulletins exprimant un «oui» ou un «non». Les bulletins blancs seront également pris en compte lors des élections selon le système majoritaire, pour le calcul de la majorité absolue au premier tour – cette règle existait déjà dans l’ancienne LEDP – et de la majorité relative au second tour. Les élections selon le système proportionnel ne seront en revanche pas affectées par ce changement. Votelec sera adapté en conséquence et de nouveaux procès-verbaux seront mis à disposition dans les Informations utiles.
- Date des scrutins communaux : Les scrutins communaux auront désormais lieu en même temps que les scrutins fédéraux, soit quatre fois par année. Des exceptions seront possibles à des conditions assez strictes. Les communes pourront disposer de l’application Votelec pour dépouiller les élections communales à ces dates puis, à terme, les votations communales également.
- Délai de dépôt des listes : le délai de dépôt des listes pour les élections cantonales et communales a été prolongé d’une semaine. Il échoira le lundi de la huitième semaine précédant le scrutin, et non plus le lundi de la septième semaine avant le scrutin comme c’est le cas à l’heure actuelle. À noter que les déclarations d’apparentement devront dorénavant être déposées en même temps que les listes électorales.
- Interdiction de figurer sur plus d’une liste électorale (élections selon le système majoritaire) : les candidats n’auront plus la liberté de figurer sur plus d’une liste électorale lors des élections se déroulant selon le système majoritaire. Une telle règle existait déjà pour les élections selon le système proportionnel.
- Bulletin unique pour les élections des municipalités et des syndiques et syndics : Dès le 1er juillet 2023, les élections du Conseil d’Etat, du Conseil des Etats, des municipalités et des syndiques et syndics auront lieu à l’aide d’un bulletin unique sur lequel les électeurs devront cocher les candidats qu’ils souhaitent élire. Cette nouvelle façon de procéder demande quelques ajustement techniques et organisationnels ne permettant pas une entrée en vigueur immédiate de la disposition.
- Noms et prénoms usuels : Le règlement d’application de la loi sur l’exercice des droits politiques codifie la pratique désormais établie selon laquelle les personnes candidates peuvent figurer sur les bulletins de vote avec leurs noms et prénoms usuels pour autant qu’elles soient connues du public sous ces noms-là. Elles sont toutefois contraintes de mentionner leurs noms et prénoms officiels dans les dossiers de candidature. En cas de doute, il revient à l’autorité compétente en matière d’impression des bulletins de se déterminer sur la question ;
- Changement dans l’élection des conseils communaux élus selon le système majoritaire : l’élection des conseillers et des suppléants se déroulera en deux tours et non plus en trois jours de scrutin. Chaque électeur disposera d’un nombre de suffrages équivalant au nombre de sièges au conseil et de mandats de suppléants à pourvoir. Les personnes candidates qui ont recueilli la majorité absolue des suffrages lors du premier tour d'élection seront élues en qualité de membre du conseil ou de personne suppléante en fonction du nombre de suffrages nominatifs obtenus. Lors du second tour, les personnes candidates seront élues en qualité de membre du conseil ou de personne suppléante en fonction du nombre de postes à pourvoir et des suffrages nominatifs obtenus.
- Vacance de sièges pendant la législature dans les conseils communaux élus selon le système proportionnel : Le bureau du conseil communal proclamera l’élection du premier suppléant éligible de la liste à laquelle appartenait le conseiller dont le siège est à repourvoir. Si la liste est épuisée, les signataires – à condition qu’ils soient au moins six – de ladite liste pourront nommer une candidature de remplacement dans un délai de cinq semaines. Passé ce délai, le siège devra être considéré comme perdu pour la liste à laquelle il appartenait. Ce siège ne pourra être repourvu que par le biais d’une élection complémentaire qui aura lieu lorsque plus d’un cinquième des sièges du conseil sera vacant ou à la demande du bureau. Il n'y aura pas lieu de procéder à une élection complémentaire dans les six mois qui précèdent les élections générales.
- Elections dans les communes à conseil général : la nouvelle loi supprime le régime spécial qui prévalait dans les communes dotées d’un conseil général où l’élection de la municipalité, puis du ou de la syndique, avait lieu en quatre tours sur un seul jour. Ces élections se dérouleront désormais selon le régime applicable dans les communes à conseil communal, où les deux tours de l’élection de la municipalité et de l’élection du syndic ont lieu à des dates distinctes. Les élections tacites seront en outre possible lors des élections complémentaires. Il pourra donc y avoir potentiellement quatre jours d’élection pour élire municipalité et syndic – deux tours pour l’élection de la municipalité et deux tours pour l’élection du syndic – et ceci dans l’ensemble des communes vaudoises, indépendamment du fait qu’elles disposent d’un conseil général ou communal.
- Candidatures autorisées lors du second tour de l’élection de la municipalité : dans les communes de plus de 10'000 habitants uniquement, seules les listes ayant obtenu au moins 5% des suffrages lors du premier tour de l’élection de la municipalité seront autorisées à présenter une candidature lors du second tour (la même personne qu’au premier tour ou un remplaçant).
- Mise sous pli du matériel de vote: Le nouveau règlement prévoit que la mise sous pli est désormais centralisée au niveau cantonal pour l’ensemble des scrutins, y compris les scrutins communaux dans les communes de moins de 1'500 électeurs. Il s’agit d’une adaptation à la pratique qui a court depuis de nombreuses années.
- Modification des émoluments perçus par le canton auprès des communes pour le travail de mise sous pli et d’expédition du matériel de vote lors des scrutins communaux : afin de tenir compte de l’évolution des coûts effectifs de l'impression, mise sous pli et envoi du matériel de vote, les émoluments ont été revus à la baisse s’agissant des électeurs suisses lors de scrutins communaux couplés à un scrutin fédéral ou cantonal (0.10 CHF au lieu de 0.30 CHF par électeur, le surcoût lié au scrutin communal étant minime). En revanche, une légère hausse (1.00 CHF par électeur au lieu de 0.90 CHF actuellement) a été introduite s’agissant des électeurs étrangers – que le scrutin communal ait lieu ou non un jour de scrutin fédéral ou cantonal – ainsi que des électeurs suisses en cas de scrutin communal isolé.
- Tirage au sort en cas d’égalité des voix : En cas d’égalité des voix lors d’une élection communale, le tirage au sort incombe au président du bureau électoral, en présence des autres membres du bureau électoral. La présence des personnes candidates n’est plus requise.
- Refus d’attestation de la qualité d’électeur : le nouveau règlement précise désormais les motifs de non-attestation de la qualité d’électeur sur les listes d’initiatives ou de référendum au niveau communal et cantonal. La terminologie est reprise sur les normes et directives fédérales de sorte à garantir une unité de pratique.
- Retrait conditionnel d’une initiative populaire : le retrait d’une initiative populaire par le comité ne sera plus obligatoirement inconditionnel. Le comité pourra retirer son initiative en assortissant ce retrait d’une condition : l’acceptation et l’entrée en vigueur du contre-projet opposé à l’initiative par les autorités communales.
- Le préfet ou la préfète devient l’autorité de recours compétente : les litiges ayant trait à un scrutin communal ou intercommunal ne seront désormais plus tranchés par le Conseil d’Etat mais par le préfet ou la préfète du district concerné. Les décisions préfectorales pourront être déférées devant la Cour constitutionnelle du Tribunal cantonal qui agira en qualité d’autorité de deuxième instance.
- Exclusion des absentéistes dans les conseils généraux : le Grand Conseil a également adopté une modification de la loi sur les communes. Un membre du conseil général qui manque deux séances du conseil général consécutives sans juste motif sera désormais réputé démissionnaire. Il appartiendra au bureau du conseil d’apprécier la justesse des motifs invoqués pour justifier une absence.
Direction générale des affaires institutionnelles et des communes (DGAIC),
Direction des affaires communales et des droits politiques (DACDP)
Informations complémentaires
L’ensemble des modifications relatives à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi et de son règlement d’application sont disponibles sur les pages internet suivantes :
- Nouvelle loi sur l’exercice des droits politiques (LEDP) et nouveau règlement d'application (RLEDP)
- Transparence du financement de la vie politique
- Registre cantonal des partis politiques
La direction des affaires communales et des droits politiques de la DGAIC se tient à disposition des communes et des partis pour répondre aux questions relatives à ces nouveautés. Il est possible de la contacter par courriel (droits-politiques@vd.ch) ou par téléphone (021 316 44 00).