Vu d’une préfecture : Stationnement des gens du voyage dans le Canton de Vaud… quelques lieux communs à rectifier

Photo d'illustration d'archives
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Publié le 01 septembre 2008

Trier le vrai du faux

S’il est un sujet de conversation récurent où les clichés sont nombreux, c’est bien celui de la présence et du comportement des gens du voyage dans notre pays: quel édile communal n’a pas, une fois ou l’autre, entendu ou lu le récit des démêlés de collègues syndics ou municipaux suite à un stationnement non désiré de gens du voyage sur le territoire communal ? Essayons de distinguer le vrai du faux, avec la préfète Pierrette Roulet-Grin, présidente, depuis 2000, du Groupe de Travail Gitans-Vaud (GT-Gitans-VD).

 

Terrain de transit à PayerneTerrain de transit à Payerne

«Les gens du voyage? Tous les mêmes!»

FAUX: la tendance populaire désigne par «gitans» tous les itinérants «non-touristes» qui circulent sur nos routes.

Or il existe différentes ethnies de gens du voyage, par exemple rom, manouche, yenisch, sinti, dont les comportements sont fort différents. En Suisse, on constate principalement la présence, depuis des décennies, de deux genres d’itinérants: des nomades de nationalité française et des semi-nomades indigènes.

Les premiers sont le plus souvent des roms (dont les ancêtres venaient notamment de l’Inde – ce qui explique leur teint foncé et leurs cheveux de jais), alors que les indigènes ressortent en majorité de l’ethnie yenisch (de type nord européen).

Les premiers suscitent souvent des remarques quand ils stationnent avec leurs caravanes, ainsi que pour leur insistance quand ils vendent divers objets au porte à porte. Passant quasi inaperçus, les semi-nomades suisses sont très discrets. Complètement intégrés dans notre population et de plus en plus sédentaires, ils sont environ 3’000 à prendre la route dès les beaux jours venus. Victimes de la mauvaise réputation de leurs pairs français, les gens du voyage romands viennent de se constituer en «Association Yenisch Suisse» afin d’établir des relations contractuelles bilatérales entre propriétaires fonciers et leur association, afin d’obtenir des droits de stationner pour leurs adhérents.

«Les gens du voyage français s’installent souvent sans autorisation sur des terrains privés ou d’utilité publique!»

VRAI ET FAUX: s’il est exact que des campements non autorisés d’itinérants français défrayent de temps à autre la chronique en Suisse romande, les milliers de nuitées-caravanes enregistrées annuellement sur les deux places officielles de Payerne-Boulex et Rennaz-Villeneuve témoignent qu’il s’agit là de situations exceptionnelles. A noter que sur ces places gérées par la Gendarmerie, les gens du voyage s’acquittent d’une finance de stationnement de 10.- par caravane et par jour, encaissements qui permettent de payer la vidange des bennes à ordure et le nettoyage régulier des places.

«L’Etat doit créer des terrains de stationnement supplémentaires afin que les communes n’aient plus de problèmes de stationnements sauvages à résoudre!»

VRAI: c’est le vœu unanime de ceux qui travaillent à ce dossier! Mais qui dit «terrain» dit «territoire», or un terrain est toujours sur un… territoire communal.

Donc aussitôt qu’une commune est approchée par le GT-Gitans-VD parce qu’un emplacement situé sur son territoire paraît adéquat, la commune refuse souvent d’entrer en matière, craignant que sa population soit dérangée par cette proximité particulière. A noter que des privés ou des communes ont créé discrètement – mais en toute légalité – de petits espaces de stationnement qu’ils équipent, entretiennent et amortissent avec les finances journalières qu’ils encaissent librement auprès des gens du voyage. La porte du GT-Gitans-VD est grande ouverte aux privés ou aux collectivités publiques qui souhaitent en faire de même !

 

Terrain de transit à RennazTerrain de transit à Rennaz

«Un propriétaire privé peut autoriser des caravaniers à séjourner sur son terrain sans rien demander à la commune!»

VRAI ET FAUX: la loi vaudoise qui régit le camping et le caravaning résidentiel depuis 1978 dit notamment que «le camping occasionnel, hors des places autorisées, n’est permis qu’avec l’assentiment du propriétaire du fonds ou, le cas échéant, du fermier ou du locataire. Pour une durée de plus de 4 jours, l’autorisation de la commune est requise».

Le propriétaire du terrain concerné doit donc demander l’autorisation de la commune s’il veut permettre à des campeurs/des caravaniers de séjourner 5 jours et plus. A noter que certains propriétaires ont demandé – et obtenu – de leur commune une autorisation permanente pour une durée maximale de 12 jours.

«Plus on créera de terrains pour les gens du voyage, plus ils seront nombreux chez nous!»

FAUX: l’expérience a démontré que les gens du voyage – qui vivent de colportage et/ou d’artisanat – ne peuvent exercer une pression trop forte sur une région sous peine de ne plus trouver de clients, ceux-ci devenant négatifs s’ils sont trop souvent sollicités.

«Les abords des terrains occupés par certains itinérants, français notamment, sont souvent jonchés de saletés!»

VRAI: c’est le principal aspect qui crée le phénomène de rejet des gens du voyage de nos populations.

Nombre de familles d’itinérants français n’ont en effet pas encore intégré dans leur comportement les habitudes d’hygiène qui ont cours depuis longtemps chez nous.

Vivant en cercle fermé et malgré d’incessants appels de celles et ceux qui travaillent à une non-discrimination de ces nomades, baucoup de roms sont persuadés que leur liberté passe par un symbole qu’ils s’appliquent à faire perdurer de génération en génération: faire leurs besoins aux abords des camps «sans toit sur la tête, ni deux fois à la même place…».

Les essais de mettre en place des toilettes dans les camps se sont pour la plupart soldés par du vandalisme ou une destruction… par ceux-là même à qui ces WC étaient destinés !

A noter que ces itinérants ont pour la plupart supprimé les toilettes d’origine de leur caravane… «pour gagner de la place».

«On doit interdire l’entrée en Suisse et le colportage aux gens du voyage français!»

VRAI et FAUX : en Suisse, il n’y a pas de loi d’exception pour les gens du voyage, d’où qu’ils viennent, sauf si une interdiction de territoire a été prononcée contre une personne précise par un tribunal helvétique. Les itinérants bénéficient – comme les autres ressortissants de pays voisins – de la libre circulation, de même que leurs véhicules et caravanes, en fonction des accords signés par notre pays. Pour autant qu’ils remettent à l’administration d’un canton des documents d’identité valables (plus une attestation de domicile récente et un extrait de casier judiciaire vierge) et qu’ils règlent l’émolument adéquat, ils peuvent obtenir une autorisation de commerçant itinérant valable pour une durée limitée sur l’entier du territoire suisse. En cas de doute, n’importe quelle personne interpellée par un colporteur – suisse ou étranger – a le droit de demander à celui-ci sa «carte de légitimation pour commerçant itinérant» (avec photo) afin de vérifier si cette personne est autorisée. En cas de dénonciation, la personne sera recherchée et sa carte immédiatement retirée. Il appartient donc aux «clients» d’être prudents et de téléphoner immédiatement à la police pour signaler toute personne exerçant le porte à porte sans autorisation. Par la suite, cette personne sera dénoncée au juge concerné, avec pour corollaire une inscription administrative l’empêchant d’obtenir la carte de légitimation citée plus haut.

De ce fait, elle renoncera probablement à venir en Suisse.

«Seul Vaud a des terrains pour les gitans, les autres cantons ne font rien, raison pour laquelle les gens du voyage viennent souvent chez nous!»

FAUX : le Canton du Valais a un terrain aménagé à Martigny et tolère de temps à autre des stationnements dans le Valais central. Dans le Canton du Jura, un terrain vient d’être aménagé à Delémont. A Neuchâtel, un parking de la Vue des Alpes accueille régulièrement des stationnements, en été. Pour Fribourg, le Conseil d’Etat a sur sa table de travail une demande impérative de son Grand Conseil lui intimant l’ordre de réaliser 2 places de stationnements, dans les régions de Fribourg et Bulle, et des projets ont été mis sur pied. A Genève, l’exiguïté du territoire – conjointement avec la proximité de la frontière – fait que les itinérants français campent sur territoire français et viennent commercer sur Suisse avant de retourner dans l’Hexagone. Se réunissant au moins une fois l’an, mais restant en contact toute l’année, les responsables de dossier «gitans» des cantons de Suisse latine échangent régulièrement des informations, notamment sur les flux de caravaniers, essayant de les répartir de manière à ne pas exercer de pression trop forte sur certaines régions. Il convient cependant d’être réaliste: la forte concentration de population de l’arc lémanique est très attractive pour ces commerçants-nés que sont les gens du voyage, et c’est là qu’ils souhaitent camper pour exercer le colportage.

«La France a promulgué une loi rendant des mises à disposition permanentes et obligatoires de terrains pour les gens du voyage!»

VRAI : l’Assemblée nationale française a promulgué en 2000 une loi dite «Loi Besson» (du nom de son auteur) qui oblige chaque ville de plus de 5’000 habitants à mettre en permanence et gratuitement un terrain pour accueillir les gens du voyage. Cette obligation a légèrement fait baisser la présence des gens du voyage dans la zone frontière de notre canton.

 


Service des communes et des relations institutionnelles (SeCRI)
Préfecture du Jura-Nord vaudois

Renseignements et contact

GT-GITANS-VD

Pierrette Roulet-Grin, présidente
Préfecture Jura-Nord vaudois
Moulins 10 – 1400 Yverdon-les-Bains
Tél.: 024.557.77.77 – mailto: pierrette.roulet-grin@vd.ch