Les notions de majorité en droits politiques

Photo d'illustration d'archives
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Publié le 25 juin 2010

A l’occasion de quelques votes serrés dans des conseils, il est apparu intéressant de présenter le sens et l’utilisation des termes de majorité qualifiée, majorité simple, majorité absolue et majorité relative.

De manière générale, l’usage de ces termes varie grandement selon:

  • les pays, cantons, langues, systèmes politiques, coutumes, etc. ;
  • les préférences personnelles des politologues et des constitutionnalistes.

Il n’y a donc pas de définitions uniques et incontestées.

Le but de ces lignes est de fournir un panorama de l’existant, puis de présenter la situation vaudoise.

Qualifiée / Simple

«Majorité qualifiée» et «majorité simple» sont deux notions qu’on oppose généralement l’une à l’autre, la première (qualifiée) étant plus exigeante que la seconde (simple).

Majorité qualifiée

Une majorité est dite «qualifiée» si certaines conditions préalables ont été définies (qualifiées). Elle peut prendre différentes formes, par exemple:

  • une majorité des 3/5, ou des 2/3, ou des 3/4;
  • une majorité calculée, non pas sur le nombre des suffrages, mais sur quelque chose de plus élevé, le nombre d’électeurs inscrits par exemple;
  • elle peut exiger un taux de participation minimal pour valider le scrutin (notion de quorum);
  • elle peut exiger une double majorité en Suisse (peuple et cantons); etc.

Cette notion s’utilise plutôt pour les votations (votes binaires oui/non).

Elle peut aussi, quoi que rarement, être utilisée pour des élections. Par exemple, l’élection du pape par le conclave requiert une majorité des deux tiers.

Dans le cas d’élections, la contrainte de certaines conditions à remplir peut empêcher totalement de repourvoir un poste et entraîner une paralysie des institutions.

Dans le canton de Vaud, la majorité qualifiée est fréquemment requise dans les votations menées par des législatifs. Notre droit n’utilise alors pas l’expression de majorité qualifiée, mais celle de «majorité absolue des membres» (du Grand Conseil, du Conseil communal,…). C’est un bon exemple des frontières impossibles à fixer de manière catégorique entre ces différentes notions: la majorité absolue des membres pouvant aussi bien être considérée comme une majorité absolue que comme une majorité qualifiée.

Majorité simple

Une majorité est dite «simple» lorsqu’un des termes de l’alternative a «simplement» obtenu plus de suffrages que l’autre. On peut aussi l’appeler «majorité ordinaire» ou «majorité» tout court.

Cette notion s’utilise plutôt pour les votations (votes binaires oui/non).

Son utilisation pour des élections est dangereuse car il n’est pas clair si l’on entend alors majorité absolue ou majorité relative. Le profane aura facilement tendance à l’associer plutôt à une majorité relative. Ce qui pose un problème, vu que –et l’on on en revient aux votations– la majorité simple, en tout cas dans les votations en Suisse, est en fait une majorité absolue puisqu’on ne tient pas compte des blancs et des nuls (comme le citoyen a la possibilité de s’exprimer, il n’y a pas de raison d’attacher une quelconque présomption à son abstention). Donc, hormis le cas rarissime d’une égalité oui- non, l’alternative obtenant la majorité simple a, dans les faits, la majorité absolue.

L’expression utilisée en droit vaudois, pour la majorité simple lors de votations, est «majorité».

Absolue / Relative

«Majorité absolue» et «majorité relative» sont également deux notions généralement opposées l’une à l’autre, la première (absolue) étant plus exigeante que la seconde (relative).

Majorité absolue

Une majorité est dite «absolue» quand le nombre de suffrages obtenus correspond à la moitié des bulletins valables + 1 (si le nombre de bulletins valables est pair) ou + 0,5 (si le nombre de bulletins valables est impair).

Cette notion s’utilise plutôt pour les élections (uninominale ou plurinominale), mais elle est aussi souvent utilisée, sans problème particulier, pour les votations.

En droit vaudois, cette expression de «majorité absolue» est celle utilisée pour les 1ers tours des élections majoritaires à 2 tours.

Une exception cependant: associée au terme «des membres», la «majorité absolue des membres» est parfois exigée dans les législatifs, ce qui signifie avoir une majorité absolue qualifiée.

Majorité relative

Une majorité est dite «relative» quand le nombre de suffrages obtenus est plus élevé que celui obtenu par l’autre candidat ou par chacun des autres candidats.

Cette notion s’utilise principalement pour les élections. Elle aurait peu de sens dans le cadre d’une votation en Suisse car la règle habituelle est de ne pas tenir compte des bulletins blancs et nuls, ce qui a pour conséquence qu’il y a automatiquement une majorité absolue (voir plus haut sous Majorité simple).

En droit vaudois, cette expression de «majorité relative» est celle utilisée pour les élections lorsque la majorité absolue n’est pas requise, c’est-à-dire au 2e tour des élections majoritaires à 2 tours ou pour les élections majoritaires à 1 tour.

Bulletins blancs et bulletins nuls

La majorité se calcule-t-elle uniquement sur les bulletins «utilisables», donc avec oui ou non pour une votation, respectivement avec un ou des noms de candidat(s) éligible(s) pour une élection? Si c’est la cas, alors le nombre de suffrages requis est plus bas que si on prend aussi en compte les bulletins blancs voire aussi encore les nuls.

En Suisse, en matière de votations, le fonctionnement quasi systématique, aussi bien en votations populaires qu’en votations dans les législatifs, est de se contenter des bulletins dits «valables» (oui - non), même si l’on fait le décompte séparé des blancs et des nuls. Il s’agit donc d’une majorité simple, qui est dans les faits aussi une majorité absolue. C’est aussi le cas dans le canton de Vaud.

Dans notre pays, en matière d’élections requérant la majorité absolue, le plus fréquent est, là aussi, d’écarter les blancs et les nuls. Le Canton de Vaud cependant, depuis l’entrée en vigueur de sa nouvelle Constitution, prend les bulletins blancs en compte dans le calcul des majorités absolues lors d’élections (art. 76, al. 2 Cst-VD).


Service des communes et des relations institutionnelles (SECRI)