Réfection de chemins privés : comment sortir de l'impasse ?

Photo d'illustration d'archives
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Publié le 01 octobre 2014

Imaginez que vous êtes propriétaire d’un chalet et que, l’heure de la retraite ayant sonné, vous décidez d’y vivre à l’année. Votre bâtiment est situé dans un lotissement d’une vingtaine de chalets et quelques uns de vos voisins y vivent déjà de manière permanente. Vue magnifique, endroit idyllique, voisins sympathiques, tous les ingrédients pour vivre une retraite paisible. Une seule ombre au tableau : le chemin d’accès. Ce chemin, créé il y a plus de quarante ans, dessert l’ensemble des parcelles du lotissement. Or, il s’agit d’un chemin privé à cheval sur la limite parcellaire et celui-ci n’a jamais fait l’objet de réfection. Bien sûr, avec d’autres voisins, vous l’avez de temps en temps «raccommodé» mais hiver après hiver, son état se détériore à tel point que, à force de frotter le châssis de votre voiture sur le chemin, vous vous demandez si vous n’allez pas finalement opter pour l’achat d’un 4x4 comme l’ont fait vos voisins par ailleurs. Quand vous abordez le sujet avec ces derniers, chacun est d’accord qu’il faut faire quelque chose, chacun formule sa proposition, mais personne n’empoigne véritablement le problème. Aujourd’hui le raccommodage ne suffit plus: par forte pluie, ce chemin se transforme même en cours d’eau.

Vous êtes décidé à réagir et vous vous rendez chez votre notaire. Malheureusement, celui-ci confirme le caractère privé du chemin mais également l’absence de toute servitude d’entretien dudit chemin. Seule une convention signée par tous les propriétaires engageant ces derniers à participer aux frais de réfection du chemin pourrait débloquer la situation. Encore faut-il que ces propriétaires soient d’accord avec la clé de répartition des frais. Et c’est là que le bât blesse car vous savez pertinemment que cette clé de répartition sera la pierre d’achoppement du projet de réfection : répartition selon la longueur d’accès emprunté pour les uns, répartition selon la constructibilité pour les autres, chacun a sa solution, mais pas LA solution. Constatant votre désarroi, votre notaire vous conseille de rencontrer un géomètre qui saura peut-être apporter une solution par les outils d’améliorations foncières.

Après votre exposé, le géomètre confirme que, vu le nombre de propriétaires, vu l’estimation des coûts, vu les positions de vos voisins, il est illusoire d’obtenir un accord unanime sur la répartition des frais de réfection. Par contre, au sein d’un syndicat d’améliorations foncières, les décisions se prennent à la majorité simple des propriétaires présents lors des assemblées générales et un propriétaire peut toujours formuler une opposition lors de l’enquête publique du dossier. L’espoir renaît. Comment s’y prendre? demandez-vous. Le géomètre propose alors un plan d’action en six étapes.

  1. Réaliser une étude préliminaire en améliorations foncières: cette étude, réalisée par le géomètre, est obligatoire à l’amont de toute constitution d’un syndicat selon la Loi sur les améliorations foncières (LAF). L’estimation du coût des travaux et la nécessité de procéder à la création d’un syndicat seront les principaux résultats attendus de cette étude. Le rapport fera l’objet d’une consultation des services de l’Etat, puis d’une consultation publique.
  2. Constituer le syndicat volontaire: pour ce faire, il suffit que la majorité simple des propriétaires signent la liste d’adhésion au syndicat. L’assemblée générale des propriétaires désignera son comité de direction, une commission de classification (CCL) composée d’experts neutres et indépendants, et un ingénieur.
  3. Mettre le dossier à l’enquête publique: ce dossier comprendra le projet des travaux collectifs (chemin, canalisations, etc.), les mises à jour foncières éventuelles (corrections de limites, de servitudes) mais surtout la clé de répartition des frais.
  4. Réaliser les travaux: le syndicat procédera à un appel d’offres auprès des entreprises puis les travaux pourront commencer après décision de l’assemblée générale du syndicat sur l’approbation du devis et la mise en chantier.
  5. Mettre à l’enquête publique la répartition des frais: une fois les travaux terminés, le syndicat procède à la dernière enquête publique.
  6. Dissoudre le syndicat: le syndicat ayant atteint son but, celui-ci pourra se dissoudre sans omettre de faire inscrire une servitude quant aux modalités d’entretien du chemin ou de créer un syndicat d’entretien du chemin.

Cette procédure vous semble fastidieuse mais elle est «béton», car cadrée par la Loi sur les améliorations foncières et sous la haute surveillance du Service cantonal en charge des améliorations foncières. «Et en cas de défaut de paiement d’un propriétaire?» demandez-vous. La réponse est dans la LAF : le syndicat peut inscrire une hypothèque légale privilégiée sur la parcelle en question.

Vous voilà plein d’espoir. Conformément au plan d’action et avec le soutien de deux voisins convaincus, vous mandatez le géomètre pour réaliser cette étude préliminaire. Le syndicat est créé à l’unanimité car la réfection du chemin devient une priorité. Lors de l’enquête publique du dossier, seule la clé de répartition des frais fait l’objet d’oppositions. Le chantier peut cependant démarrer pendant que la CCL traite les oppositions. Les enquêtes une fois liquidées, vous pouvez enfin dissoudre le syndicat et tous les aspects liés aux frais d’entretien sont inscrits dans le syndicat d’entretien qui s’est créé à cet effet.

Vous êtes alors un propriétaire heureux : vous n’avez pas acheté de 4x4, le chemin est flambant neuf et vous avez l’estime de vos voisins.

Cette histoire n’est pas imaginaire, elle est inspirée de faits réels. La procédure telle que décrite ici est extraite de la Loi sur les améliorations foncières. Le syndicat d’améliorations foncières apporte donc une solution concrète face à un blocage de projet de réfection de chemin. Procédure lourde? A la rigueur, mais ô combien efficace.

 


Direction générale du territoire et du logement (DGTL),
cellule communication

Renseignements complémentaires

SDT - Division améliorations foncières
M. Denis Leroy
denis.leroy@vd.ch