Chronique des marchés publics : La visite des lieux
Cette chronique présente des problématiques rencontrées par les communes ou leurs mandataires dans le cadre de l’application des marchés publics, qui sont régulièrement soumises pour détermination au Centre de compétences sur les marchés publics du canton de Vaud (CCMP-VD). Elle vise à sensibiliser les communes sur certains aspects particuliers des marchés publics, et à leur fournir les outils nécessaires à la résolution de situations parfois complexes.
a. Généralités
La visite des lieux poursuit plusieurs objectifs. Elle permet notamment une perception directe de l’objet du marché et de ses exigences particulières par les soumissionnaires. Ces derniers peuvent, de la sorte, élaborer leur offre en toute connaissance de cause et au plus près des intérêts du pouvoir adjudicateur. La visite des lieux représente également une source d’information supplémentaire et complémentaire à la documentation d’appel d’offres. Enfin, le pouvoir adjudicateur peut profiter de la visite des lieux pour remettre aux soumissionnaires des documents confidentiels qui ne peuvent être déposés sur la plateforme SIMAP en raison de leur caractère sensible.
De par la grande liberté qui lui revient dans l’organisation de son marché, le pouvoir adjudicateur est en droit de prévoir une visite des lieux. Cette dernière doit cependant, en vertu des principes de transparence et de non-discrimination, être préalablement annoncée et ouverte à tous les soumissionnaires.
b. Moment et modalités de la visite
Le pouvoir adjudicateur diligent tentera d’organiser la visite des lieux le plus tôt possible, en tenant compte d’un délai raisonnable depuis la publication de l’appel d’offres, afin que les soumissionnaires disposent de suffisamment de temps pour prendre connaissance des exigences du marché. La visite des lieux devrait, de surcroît, se tenir dans le délai prévu pour poser des questions au pouvoir adjudicateur. Il apparaît, en effet, probable que celle-ci suscitera des interrogations auprès des soumissionnaires lors de la visite ainsi que les jours suivants. A cet égard, il est envisageable que le pouvoir adjudicateur renonce à répondre immédiatement aux questions posées lors de la visite et se réserve le droit de fournir ses réponses à un stade ultérieur. En outre, de façon à ce que les soumissionnaires puissent intégrer à leur offre les éléments de réponse reçus lors de la visite ou ultérieurement, il conviendrait idéalement pour le pouvoir adjudicateur de garantir un laps de temps suffisant entre la délivrance des questions et le terme prévu pour déposer les offres. Les modalités de la visite (point de rencontre, sens de la visite, moment prévu pour répondre aux questions, etc.) pourraient, au demeurant, être énoncées dans la documentation d’appel d’offres.
c. Procès-verbal de la visite
Il est conseillé de prévoir la rédaction d’un procès-verbal de la visite. Ce dernier permet notamment de relever les questions posées à cette occasion et les éventuelles réponses données. Le pouvoir adjudicateur pourrait annoncer dans la documentation d’appel d’offres déjà qu’un procès-verbal sera tenu lors de la visite et quel en sera le contenu. Le procès-verbal devrait être transmis à la suite de la visite à tous les soumissionnaires potentiels.
d. Visite obligatoire
La visite des lieux peut être facultative ou obligatoire. Une visite obligatoire doit toutefois rester l’exception. En effet, une telle exigence pourrait être contraire au principe de non-discrimination, dans la mesure où l’entreprise dont le siège est éloigné de l’emplacement du marché se verrait discriminer par rapport aux entreprises établies à proximité de celui-ci, notamment pour des questions de coûts et de temps de déplacement plus élevés. Le caractère discriminant est renforcé lorsque le marché est ouvert à la concurrence internationale. A noter cependant que la visite obligatoire ne doit pas être systématiquement interdite lorsque le marché s’adresse aussi aux entreprises étrangères. Le pouvoir adjudicateur qui souhaite rendre une visite obligatoire doit, dès lors, bénéficier de sérieux motifs pour le faire. Pourraient constituer de tels motifs la nature particulière des travaux, telle que des travaux de désamiantage ou une réfection d’un bâtiment historique, ou le fait que l’immeuble dans lequel les travaux doivent intervenir restera exploité durant ceux-ci. Le pouvoir adjudicateur doit, en outre, clairement indiquer dans la documentation d’appel d’offres que la visite est obligatoire. Il devrait enfin y mentionner qu’une absence à la visite obligatoire sera sanctionnée par l’exclusion de l’offre de la procédure.
Dans une affaire récente (arrêt TC VD MPU.2016.0039 du 6 février 2017), la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois (CDAP) a confirmé l’exclusion d’un soumissionnaire qui n’avait pas pris part à la visite annoncée comme obligatoire, et cela quand bien même le dossier d’appel d’offres n’indiquait pas expressément que la non-participation à la visite entraînait l’exclusion de la procédure. La Cour a ainsi relevé que, comme le caractère obligatoire de la visite était clairement indiqué dans la documentation d’appel d’offres et que cette dernière renvoyait directement «aux autres motifs d’exclusion figurant dans la législation cantonale», une exclusion sur la base de l’article 32, alinéa 1, second tiret, lettre a du règlement d’application de la LMP-VD du 7 juillet 2004 (RLMP-VD), qui prévoit qu’une offre peut être notamment exclue lorsqu’elle «n’est pas conforme aux prescriptions et aux conditions fixées dans la mise au concours», se justifiait. Le fait que le soumissionnaire absent se soit rendu sur place la veille pour examiner les lieux n’y changeait rien. Le pouvoir adjudicateur avait, en effet, annoncé que le but de la visite était non seulement de permettre aux soumissionnaires d’étudier les lieux, mais également de les informer en détail des contraintes techniques du marché. La Cour précise encore que le pouvoir adjudicateur n’avait pas non plus à organiser d’office une séance de rattrapage, une telle démarche étant susceptible de constituer une inégalité de traitement à l’égard des autres soumissionnaires.
e. Retard à la visite obligatoire
La question du sort des soumissionnaires arrivés en retard à la visite obligatoire des lieux et d’une éventuelle exclusion reste, en revanche, épineuse. Le pouvoir adjudicateur doit apprécier les circonstances au cas par cas et se demander si le retard en question peut être assimilé à une non-participation à la visite obligatoire. A titre préventif, le pouvoir adjudicateur serait bien inspiré d’informer les soumissionnaires qu’un retard pourra être assimilé à une non-participation à la visite obligatoire et de rappeler les conséquences d’un tel manquement.
Secrétariat général du DIRH (SG-DIRH)
En savoir plus
Site internet de l’Etat de Vaud : www.vd.ch/marches-publics
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