Prendre en compte les besoins des jeunes: le premier pas contre les incivilités
La 11e édition des rencontres annuelles intercommunales sur le soutien aux activités de la jeunesse (PICSAJ) réaffirme l’importance d’une politique de l’enfance et de la jeunesse proactive. Les jeunes sont invité·e·s à être parties prenantes des constats et des solutions proposées notamment sur les questions liées aux incivilités.
A l’occasion de la Journée internationale des droits de l'enfant, la Direction générale de l’enfance et de la jeunesse (DGEJ), la Police cantonale et les Conseils régionaux de prévention et de sécurité (CRPS) du canton de Vaud ont réuni environ 130 élu·e·s, professionnel·le·s de la jeunesse et de la sécurité actifs aux niveaux communal et cantonal. Quelles sont les possibilités de prévention des incivilités ? Quelle collaboration interprofessionnelle adopter entre social et sécurité ? Comment permettre aux jeunes de réparer sans condamner ? Ces questions ont été au cœur de cette rencontre annuelle de la Plateforme intercommunale sur le soutien aux activités de jeunesse (PICSAJ) qui s’est déroulée à l’IDHEAP le 20 novembre dernier.
Modérée par le Délégué à l’enfance et à la jeunesse, Frédéric Cerchia, la soirée a été ouverte par le Conseiller d’Etat en charge de la jeunesse, Vassilis Venizelos. Sophie Stadelmann d’Unisanté a ensuite présenté sa récente étude sur la victimisation et la délinquance chez les jeunes dans le canton de Vaud qui indique notamment une augmentation des délits violents chez les jeunes de 15 ans (2014-2022) et de 18 ans (2017-2022), et constate par ailleurs une baisse de la consommation de cigarettes et d’alcool. La Présidente du Tribunal des mineurs, Julie Jequier, et son équipe sont également intervenus durant la soirée.
La soirée a été conclue par une intervention des jeunes de la Commission de jeunes du Canton de Vaud (14-20 ans) qui ont fait part de leurs observations,besoins, attentes et solutions auprès des communes présentes. Les jeunes ont notamment souligné l’importance du dialogue entre les générations, qui faisait écho à l’étude JUVENIR de 2017 consacrée aux jeunes dans l’espace public et mentionnée plus tôt par M. Venizelos : « Plus de 85 % des jeunes aimeraient que les adultes qui se sentent incommodés par leur présence viennent dialoguer avec eux. Les jeunes veulent être pris au sérieux par les adultes. Ils considèrent que les conflits pourraient être rapidement désamorcés si les adultes venaient dialoguer avec eux au lieu d’appeler automatiquement la police. »
Comment réagir aux incivilités en tant que collectivité publique ?
Conformément à la loi sur la promotion et le soutien aux activités de jeunesse (LSAJ), le soutien aux activités de la jeunesse est une tâche du Canton (art. 4 et 5) et des communes (art. 10 et 11). Ces dernières sont donc encouragées à mettre en place des mesures de soutien, par exemple en désignant une personne de référence pour la jeunesse au niveau communal ou intercommunal, en ouvrant un centre de rencontres et d’animation, en engageant un·e travailleur·euse social·e de proximité (TSP). Toutes ces actions contribuent ainsi au vivre ensemble, au dialogue entre les générations et à promouvoir un environnement favorable à l’intégration sociale des jeunes, ce qui réduit la probabilité que des troubles à l’ordre public n’adviennent
Ecoute et participation
La plupart des participant·e·s à la soirée étaient d’accord avec l’adage « Il vaut mieux prévenir que guérir » tout en partageant le constat que l’action répressive peut s’avérer nécessaire, en dernier recours. Cela dit, il existe aussi une voie intermédiaire, qui mérite d’être explorée avec attention.
Comme l’a résumé en introduction de son allocution de bienvenue M. Venizelos, « Si l’on veut que les jeunes arrêtent de boire des bières sur le banc de la place du village en écoutant Maître Gims trop fort, il ne suffit pas d’enlever le banc ». Car l’écoute des jeunes et leur participation à la vie publique à travers des forums, des conseils des jeunes, et leur meilleure intégration à des projets ont fait et continueront de faire leurs preuves à l’avenir. De surcroît, faire participer les jeunes aux décisions les concernant figure dans la LSAJ (art. 11).
L’exemple d’Oron
Des caméras de surveillance pour observer un endroit sujet aux incivilités à un centre d’animation socio-culturel, les autorités d’Oron ont fait du chemin. En effet, elles ont opéré un changement d’état d’esprit et de pratiques en misant sur la prévention, la collaboration et le long terme.
A Oron, la Municipale en charge de la jeunesse, Monique Ryf, aidée d’un comité de pilotage interprofessionnel, a mené une analyse des besoins des jeunes, avec l’aide de Jaiunprojet.ch, une prestation du Centre vaudois d’aide à la jeunesse (CVAJ), subventionnée par la DGEJ. Il en est ressorti que les jeunes manquaient d’un lieu où se réunir. Au moyen d’un préavis, la commune a donc ouvert un centre d’animation socio-culturel tenu par deux animateurs en été 2024. Ce lieu est un espace grâce auquel les jeunes pour construire des projets d’intérêt public avec l’aide de ces professionnel·le·s.
Dialogue et conciliation
Le dialogue et la collaboration entre des professionnel·le·s du travail social et de la sécurité s’avèrent fructueux. Cette manière de faire permet d’utiliser les ressources de chacun et chacune pour gérer plus efficacement des situations compliquées.
Les exemples de Moudon et de Vevey
Les différents corps de métier qui sont en contact avec les jeunes, à l’instar des travailleurs sociaux et travailleuses sociales de proximité (TSP), des délégué-e-s jeunesse et de la Police, travaillent en complémentarité à Moudon et à Vevey. Il s’agit d’une part de tisser des liens de confiance avec les jeunes et, d’autre part, de faire respecter les règles fondamentales du vivre ensemble.
A Vevey, un groupe de jeunes « occupait » un espace près d’un bâtiment public, provoquant les autorités et laissant le lieu jonché de déchets, mégots et canettes. La TSP a invité le leader de ce groupe à échanger, en l’absence de ses pairs, ainsi qu’avec la Police, pour lui expliquer leurs rôles, les droits et les devoirs de chacun et les conséquences de certaines actions. Suite à cela, les nuisances ont cessé. Une approche différente favorisant le dialogue a donc permis de désamorcer un conflit qui durait. La conciliation a non seulement évité une plainte et des récidives.
Cela dit, certaines communes de petite taille n’ont pas les moyens d’engager un·e TSP. Là encore, la répression peut être évitée via des mesures créatives, par exemple en augmentant l’éclairage public pour décourager les incivilités, ou par l’action de correspondant·e·s de nuit ou encore en organisant des « diners-quizz » avec les jeunes et l’ensemble des acteurs de la jeunesse – politiques, police, concierge, TSP, délégué-e-s jeunesse, etc.
Quelles sont les ressources à disposition des communes pour faire face aux incivilités ?
En conclusion, au terme des riches échanges de cette soirée, force est de constater que le génie local montre qu’une multiplicité de solutions existent et sont déployées sur le terrain. La collaboration de l’ensemble des acteurs et actrices de soutien aux jeunes et le partage continu d’expériences alimente la recherche et la mise sur pied de projets innovants, participatifs et adaptés pour comprendre les besoins des jeunes et réduire au maximum les incivilités.
En la matière, le Canton de Vaud fait ainsi la promotion d’une politique de la jeunesse proactive en apportant son soutien méthodologique et financier aux communes dans leur rôle de principal et premier levier de soutien aux activités avec et pour les enfants et les jeunes (voir contacts et ressources ci-dessous).
Au final, « les incivilités ne sont pas une fatalité », comme l’a souligné M. le Conseiller d’Etat Vassilis Venizelos. Il convient dès lors de poursuivre ce fructueux dialogue entre professionnel·le·s du secteur ainsi qu’avec les jeunes eux-mêmes pour trouver des solutions concrètes et innovantes, au bénéfice de toutes et tous. Ceci en ayant toujours le même objectif en tête : placer les besoins des enfants et des jeunes au cœur de nos réflexions et de notre action, tout en exigeant de leur part le respect du cadre et des règles du vivre ensemble.
Direction générale de l'enfance et de la jeunesse (DGEJ)
Contacts et ressources
- La Politique enfance et jeunesse (PEJ) du Canton de Vaud dispose d’un budget de 400’000 CHF annuel pour soutenir des projets novateurs des communes pour les enfants et les jeunes, www.vd.ch/pej-subventions, Carole Guignet : pej@vd.ch
- Elle dispose également de 100’000 CHF annuel pour soutenir des projets portés par des groupes de jeunes jusqu’à 25 ans : wwww.vd.ch/aide-financiere-jeunesse, projets.jeunes@vd.ch
- Jaiunprojet.ch : un service financé par la DGEJ pour soutenir communes et jeunes gratuitement dans le développement d’un projet, www.cvaj.ch/jaiunprojet_offres.html, Marie Bertholet et Anna Mrazek jaiunprojet@cvaj.ch
- Plateforme TSP Vaud : pour des informations et du conseil sur le travail social de proximité Léonore Garcia, lgarcia@relais.ch
- Police cantonale vaudoise : pour les jeunes et les parents wwww.sois-prudent.ch et http://www.votrepolice.ch/prestations/
- Pour les jeunes et la population générale : @ecop.francois sur TikTok et Instagram