Morges: nouvelles exigences pour l'égalité salariale entre femmes et hommes
Entrée en vigueur le 1er juillet 2020, la modification de la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes (LEg, RS 151.1) oblige les entités publiques d’au moins 100 personnes à effectuer une analyse de l’égalité des salaires, à faire vérifier cette analyse par un organe indépendant et à publier le résultat de l’analyse et de sa vérification [1].
La ville de Morges travaille sereinement à la mise en œuvre des nouvelles exigences en matière d’égalité salariale entre femmes et hommes
Entrée en vigueur le 1er juillet 2020, la modification de la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes (LEg, RS 151.1) oblige les entités publiques d’au moins 100 personnes à effectuer une analyse de l’égalité des salaires, à faire vérifier cette analyse par un organe indépendant et à publier le résultat de l’analyse et de sa vérification 1. Avant l’entrée en vigueur de ces nouvelles exigences, certaines communes s’étaient déjà engagées, sur une base volontaire, à procéder régulièrement à l’analyse de leur pratique salariale. C’est notamment le cas de la ville de Morges dont la Cheffe du service des Ressources Humaines, Laure Hauswirth, a accepté de partager l’expérience acquise à travers une première analyse de l’égalité salariale menée en 2019.
Quelles réflexions ont présidé au lancement d’un projet d’analyse de l’égalité des salaires entre femmes et hommes ?
En 2016, une conseillère communale accompagnée de plusieurs conseillers·ères communaux·ales a déposé un postulat demandant que l’administration communale entame les démarches pour une certification relative à l’égalité des salaires entre les femmes et les hommes. La Municipalité a répondu en indiquant vouloir s’assurer au préalable de manière objective de l’égalité des salaires avant de décider de l’intérêt de mener des démarches en vue d’obtenir une certification. Par ailleurs, en 2017, la Municipalité a mandaté une société spécialisée afin d’analyser le système de rémunération. Les objectifs étaient de maintenir l’attractivité de la Ville de Morges en tant qu’employeur, garantir une équité interne entre les fonctions, garantir l’égalité des rémunérations pour un travail de valeur égale entre les femmes et les hommes. L’analyse s’est basée sur un système analytique et a nécessité la mise à jour de toutes les descriptions de fonction. En parallèle, nous avons changé de système informatique dédié à la paie. Ce projet informatique nous a permis de disposer de données plus complètes sur chaque collaborateur·trice. Avec tous ces éléments réunis, nous étions prêts pour procéder à l’analyse de l’égalité des salaires. Nous avions la conviction que l’égalité des salaires entre les femmes et les hommes pour un travail de valeur égale était réalisée car nous avons un cadre règlementaire très clair à ce sujet. Nous connaissions néanmoins la problématique des biais qui peuvent avoir une influence négative. Il fallait donc être en mesure de prouver que l’égalité était réalisée. Une collaboratrice expérimentée dans le domaine de la paie a suivi la formation et a procédé à l’analyse. En effet, comme aucun budget n’avait été prévu pour cela, l’analyse interne était la solution la plus adaptée à ce moment-là.
Pour procéder à l’analyse, vous avez choisi d’utiliser Logib, l’instrument mis à disposition par la Confédération. Selon vous, quelles sont les avantages et les inconvénients de cet outil ?
Des formations sont régulièrement proposées pour utiliser cet outil gratuit. Par ailleurs, il est souvent choisi par les employeurs qui décident de procéder à l’auto-analyse. Il est dès lors assez aisé de trouver de l’aide ou des conseils en cas de besoin. Par ailleurs, Logib est accepté par les tribunaux en Suisse en cas de litige, ce qui contribue à crédibiliser cet outil.
Avez-vous rencontré des difficultés dans la préparation des données ?
Procéder à l’analyse a fait émerger quelques incohérences dans nos données, en particulier en ce qui concerne le codage des fonctions et la position professionnelle. Cela nous a obligés à passer en revue et fiabiliser nos données. Il faut admettre que le processus a pris un peu plus de temps que prévu. Néanmoins nous ne le regrettons pas car il a également incité à contrôler les données insérées dans notre système de paie. Par ailleurs, la donnée relative à la position professionnelle est indispensable pour les statistiques ESS (enquête suisse sur la structure des salaires).
Combien de temps avez-vous consacré au projet avant d’obtenir le résultat de l’analyse ?
La collaboratrice en charge de l’analyse a consacré une journée à la formation puis environ 5 journées au traitement des données concernant 300 personnes soumises à la CCT. A cela s’ajoutent les heures consacrées par d’autres personnes au sein du service RH et moi-même.
En 2019, le résultat de l’analyse de la pratique salariale de la ville de Morges a montré que les femmes gagnaient 1.4% de moins que les hommes. Cet écart ne s’explique pas par les différences de caractéristiques liées aux qualifications personnelles ainsi que celles liées au poste de travail qui sont prises en compte par le modèle de la Confédération. Comment avez-vous apprécié ce résultat qui se situe dans le seuil de tolérance de 5% prévu par l’instrument Logib ?
Il a été qualifié de très satisfaisant par la Municipalité. Ce résultat a convaincu la Municipalité que le moment était bien choisi pour adhérer à la charte pour l’égalité salariale dans le secteur public, ce qui a été fait le 21 novembre 2019. Elle a ainsi montré sa volonté de garantir ce principe au sein de son administration mais également de le promouvoir lors d’attribution de marchés publics ainsi que l’octroi de subsides.
Avez-vous procédé à des ajustements afin de combler l’écart résiduel ?
Nous ne nous sommes en effet pas contentés de ce résultat. L’analyse du système de rémunération et de la collocation des fonctions a mis en exergue qu’un certain nombre de fonctions avaient évolué depuis la mise en vigueur de la CCT. Par ailleurs, la comparaison avec le marché du travail et l’équité interne justifiaient la revalorisation de certaines fonctions. Finalement, plus de 20 % des collaborateurs·trices ont vu leur fonction revalorisée d’une classe de salaire, parmi ces personnes deux tiers sont des femmes. Plusieurs fonctions de la petite enfance ont bénéficié de ce nouvel enclassement, ce qui répondait à une préoccupation exprimée par le Syndicat des Services Publics (SSP), l’un de nos partenaires dans le cadre de la CCT de la Ville de Morges. Cette mesure devrait permettre, à terme, de combler l’écart de 1,4%.
La modification de la LEg prévoit que les employeurs fassent vérifier leur analyse par un organe indépendant. Comment percevez-vous cette nouvelle exigence et qu’en attendez-vous ?
La décision n’a pas encore été prise, mais nous envisageons de travailler avec un organe de révision, ce sera l’occasion de nous assurer de la fiabilité de notre analyse. Nous avons planifié de procéder à la prochaine analyse deux ans après la première, soit début 2021.
Comment avez-vous procédé pour communiquer le résultat de votre dernière analyse et quelles ont été les réactions ?
Les premières personnes informées ont été le Syndic, les Municipales et les Municipaux. Puis les collaboratrices et les collaborateurs par courrier. Un communiqué de presse a été publié et repris par les médias locaux. Puis l’information a été intégrée dans la présentation de l’analyse plus globale du système de rémunération et des modifications d’enclassement qui en ont découlé. Enfin, la sous-commission de gestion a été informée. L’annonce de ce résultat a d’ailleurs été très bien accueillie et figure en introduction du rapport de gestion comme étant une excellente action relative au volet social du développement durable. Je me souviendrai encore longtemps des applaudissements des 140 personnes présentes dans la salle lors de l’annonce des résultats de l’analyse sur l’égalité salariale et des nouvelles collocations de fonction auprès des collaboratrices·teurs du service cohésion sociale et logement !
Quels conseils auriez-vous pour les communes qui se lancent dans ce travail d’analyse de l’égalité des salaires ?
Pour commencer, je les félicite. Il est important d’être en mesure d’analyser objectivement l’égalité salariale, d’ailleurs la révision de la LEg l’impose. Je leur recommande de confier cette responsabilité à une personne motivée et apte à se former, si l’auto-analyse est effectuée à l’interne. Il est nécessaire également de bien vérifier la fiabilité des données personnelles des collaboratrices et collaborateurs. Il sera indispensable d’y consacrer du temps, en fonction du nombre de collaboratrices·teurs. Il faut s’attendre à devoir mettre des mesures en place si le résultat n’est pas conforme au seuil de tolérance. Néanmoins, il faut admettre que cette dernière est large (5%). Je suis optimiste et j’espère que les entités publiques obtiendront des résultats satisfaisants, comme la Ville de Morges.
Propos recueillis par Steve Binggeli, chef de projet égalité salariale au Bureau de l’égalité entre les femmes et les hommes (BEFH) du canton de Vaud.
[1] Canton-Communes, n°54, septembre 2019, p.12-13
Secrétariat général du DIRH (SG-DIRH),
bureau de l’égalité entre les femmes et les hommes (BEFH)