La chronique des marchés publics
Cette chronique présente des problématiques rencontrées par les communes ou leurs mandataires dans le cadre de l’application des marchés publics, qui sont régulièrement soumises pour détermination au Centre de compétences sur les marchés publics du canton de Vaud (CCMP-VD). Elle vise à sensibiliser les communes sur certains aspects particuliers des marchés publics et à leur fournir les outils nécessaires à la résolution de situations parfois complexes.
Exclusion des consortiums pour la participation à un marché public
L’adjudicateur dispose d’une grande liberté d’appréciation dans la configuration de son marché, sous réserve évidemment du respect des principes généraux du droit des marchés publics. La jurisprudence retient en effet que l'adjudicateur configure le marché comme il l’entend, en fonction de ses besoins.
Dans un arrêt du 11 mars 2021 (réf. MPU.2020.0044), la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois (ci-après CDAP) a eu l’occasion d’analyser l’admissibilité de la configuration d’un marché dans lequel l’adjudicateur avait exclu la participation des communautés de soumissionnaires (consortiums). Les faits à la base de cet arrêt sont les suivants : Le 18 décembre 2020, une association intercommunale pour l’épuration des eaux, a publié un appel d’offres pour le mandat de planificateur général pour la construction d’une station d’épuration (STEP) régionale. L’appel d’offres indiquait au ch. 2.4.9 que l’association d’entreprises (consortium) ou de bureaux pour le rendu d’une offre en tant que soumissionnaire n’était pas autorisée et, au ch. 2.4.10, que la part de sous-traitance ne devait pas dépasser les 15% de l’ensemble du marché. En outre, certaines prestations ne pouvaient pas être sous-traitées et devaient impérativement être fournies par le soumissionnaire. Les sociétés A., B. et C. qui, par le passé, avait déjà réalisé ensemble des projets de STEP pour des communes vaudoises, souhaitaient s’associer dans le but de participer à ce marché. Le 28 décembre 2020, A., B. et C. ont donc déposé un recours contre l’appel d’offres auprès de la CDAP. Elles ont principalement conclu à l’annulation de l’appel d’offres, à ce que les communautés de soumissionnaires soient autorisées à participer à l’appel d’offres et à ce que la part de sous-traitance puisse correspondre à 50% de l’ensemble du marché.
Dans cette affaire, les recourantes reprochaient à l’adjudicateur de restreindre de manière non justifiée la concurrence dans le cadre du marché litigieux. En effet, selon elles, l’interdiction des consortiums ainsi que les conditions restrictives posées à la sous-traitance auraient pour effet que seules cinq sociétés en Suisse romande disposeraient des compétences exigées par l’appel d’offres pour réaliser l’ensemble des prestations. L’adjudicateur exposait pour sa part que ses exigences s’expliquent par la volonté de n’avoir qu'un seul interlocuteur afin d'optimiser les échanges et la transmission d'informations. L'exclusion des consortiums se justifiait également par la haute qualité des prestations demandées, qui exclurait que la coordination générale soit assurée par des sociétés distinctes.
La CDAP relève qu’actuellement, ni l’Accord intercantonal sur les marchés publics (AIMP), ni la loi vaudoise sur les marchés publics (LMP-VD) ne prévoient de dispositions sur l’admissibilité des consortiums. L’article 5 du règlement vaudois sur les marchés publics (RLMP-VD) prévoit que, si la constitution de consortium n'est pas expressément exclue dans les conditions d'adjudication, plusieurs soumissionnaires associés peuvent adresser une offre commune. La Cour va se référer à la nouvelle législation sur les marchés publics et appuyer sa réflexion sur le texte de l’article 31 LMP/AIMP 2019 (pas encore en vigueur dans le canton de Vaud) et son commentaire. Cet article autorise en effet expressément la participation de communautés de soumissionnaires et le recours à des sous-traitants. Il précise toutefois que l’adjudicateur peut limiter ou exclure ces possibilités dans l’appel d’offres ou dans les documents d’appel d’offres. L’alinéa 3 précise au surplus que la prestation caractéristique du marché doit en principe être fournie par le soumissionnaire et non par ses sous-traitants. Le commentaire de cette disposition apporte de nombreuses précisions. Il y est notamment indiqué que, de manière générale, l’accès des soumissionnaires au marché ne doit pas être restreint sans nécessité et que la participation de communautés de soumissionnaires ne doit être limitée ou même exclue que pour de justes motifs. Il en va de même concernant la décision d’admettre ou d’exclure le recours à des sous-traitants. Toujours selon le commentaire de l’article, l’exclusion tant des communautés de soumissionnaires que des sous-traitants doit reposer sur une motivation qualifiée. En revanche, l’admission des sous-traitants compense l’exclusion des communautés de soumissionnaires.
En l’espèce, la Cour retient que, compte tenu de la marge d’appréciation qui doit être reconnue à l’adjudicateur pour configurer le marché, le choix d’exclure les consortiums et de limiter la sous-traitance à 15% du marché en excluant expressément certaines prestations n’est pas critiquable. Un projet de construction d'une STEP nécessite en effet des compétences de planification très élevées non seulement dans le domaine de l'ingénierie civile mais également dans celui lié au traitement des eaux. Compte tenu des enjeux pour l'intérêt public, l’adjudicateur peut raisonnablement exiger d'avoir un seul interlocuteur et de confier à une seule et même société, sous réserve d'une part modeste de sous-traitance, l'ensemble des prestations de planificateur faisant l'objet de l'appel d'offres litigieux. Enfin, la Cour rejette l’argument des recourantes visant à dire que les restrictions posées par l’adjudicateur auraient pour effet de limiter le marché litigieux à une seule entreprise. Le marché étant ouvert à la concurrence internationale, le cercle des soumissionnaires potentiels est sans doute bien plus grand. En conséquence, le recours est rejeté.
Cet arrêt est l’occasion de mettre en avant les règles fixées par le futur droit intercantonal – auquel le canton de Vaud devrait vraisemblablement adhérer dans le courant de l’année 2022. Les pouvoirs adjudicateurs vaudois peuvent se réjouir de bénéficier, dans un futur proche, de ces nouvelles règles, plus complètes et plus claires.
Prolongation du délai de retrait du courrier à La Poste par un soumissionnaire et ses conséquences sur la notification d’une décision
Complément à la chronique des marchés publics du mois de septembre 2021
Dans notre dernière chronique, les aspects relatifs à la notification des décisions ont été présentés. La question de savoir si une prolongation du délai de retrait des courriers recommandés à La Poste – comme le propose cette dernière via son service en ligne – a ou non une influence sur la notification de la décision et, partant, sur le départ du délai de recours n’a toutefois pas été abordée.
Réponse à cette question peut être trouvée dans la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de procédure administrative. Selon cette dernière, « le délai de garde de sept jours n'est pas prolongé lorsque La Poste permet de retirer le courrier dans un délai plus long, par exemple à la suite d'une demande de garde. En effet, des accords particuliers avec La Poste ne permettent pas de repousser l'échéance de la notification, réputée intervenue à l'échéance du délai de sept jours […]. Ainsi, lorsque le destinataire donne l'ordre au bureau de poste de conserver son courrier, l'envoi recommandé est réputé notifié non pas au moment de son retrait effectif, mais le dernier jour du délai de garde de sept jours suivant la réception du pli par l'office de poste du lieu de domicile du destinataire » (cf. ATF 141 II 429 consid. 3.1).
Il ressort de cette jurisprudence que le destinataire d’une décision prononcée dans le cadre d’une procédure marchés publics (candidat, soumissionnaire) qui ferait prolonger le délai de retrait de son courrier à La Poste ne peut, au travers de cet accord, reporter le moment de la notification de la décision au-delà du septième jour du délai de garde. Ainsi, dans l’hypothèse d’un tel accord avec La Poste, la décision du pouvoir adjudicateur sera réputée notifiée au plus tard le dernier jour du délai de garde de sept jours. Le délai de recours commencera à courir le lendemain, à savoir le huitième jour.
Secrétariat général du Département des infrastructures et des ressources humaines (SG-DIRH)
Centre de compétences sur les marchés publics du canton de Vaud (CCMP-VD)
Pour en savoir plus
Site internet de l’État de Vaud : www.vd.ch/marches-publics/
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