Lois vaudoises visant à la préservation du parc locatif : le rôle des communes
Les communes sont directement concernées par l’application de deux lois visant à la préservation de la substance d’appartements en location, à savoir la loi concernant la démolition, la transformation et la rénovation de maisons d’habitation ainsi que l’utilisation de logements à d’autres fins que l’habitation (LDTR, RSV 840.15) et son règlement d’application (RLDTR, 840.15.1), d’une part, et la loi concernant l’aliénation d’appartements loués (LAAL, RSV 840.13),
d’autre part.
Dans le but de faciliter les tâches des communes en la matière, l’Unité logement du Service des communes et du logement tient à rappeler quelques principes d’application de ces législations.
Démolition, transformation, rénovation de maisons d’habitation et utilisation de logements à d’autres fin que l’habitation
a) procédure – LDTR et LATC
Les travaux qui excèdent le pur entretien de "maisons d'habitation" définies comme des immeubles en location (ou vacants, mais dont les logements étaient loués en dernier lieu) sont soumis à une autorisation spéciale du Département de l'intérieur, par l'Unité logement du Service des communes et du logement.
L'autorisation est en principe refusée si l'immeuble comprend des logements d'une catégorie à pénurie (art. 3 LDTR). Elle peut être accordée pour des motifs de sécurité, de salubrité ou d'intérêt général, notamment dans le cadre de la loi sur l'énergie, ou si les circonstances le commandent (art. 4 al. 1 LDTR). Elle peut être assortie de conditions, notamment d'un contrôle des loyers sur une durée maximale de dix ans (art. 4 al. 3 LDTR).
Cette autorisation du Département de l'intérieur est prévue dans l'annexe 1 mentionnée à l'art. 120 litt. c de la loi sur l'aménagement du territoire et les constructions (LATC). Elle ne s'applique pas aux immeubles comprenant jusqu'à deux logements dont l'un occupé par son propriétaire ou aux biens en propriété par étages ou en copropriété occupé par le propriétaire.
La demande doit être soumise à l'Unité logement au moyen du questionnaire particulier (QP) n°53, en principe dans le cadre d'une enquête publique. En effet, selon la jurisprudence cantonale (arrêt AC.2004.0119 du 30 juin 2005, p. 11 à 13), la dispense d'enquête publique doit être l'exception, afin de garantir le droit d'être entendu des tiers. Ce QP n°53 doit être soumis à l'Unité logement par le biais de la CAMAC, conformément à la procédure prévue à l'art. 73 al. 4 RLATC.
Le permis de construire communal ne peut pas être délivré avant que l'Unité logement n’ait statué, sous l’angle de la LDTR, sur les travaux envisagés.
b) préavis communal
Indépendamment de ces aspects formels, les communes ont un rôle d'autorité de préavis dans la procédure "logement" prévue par la LDTR.
L'art. 8 RLDTR indique à ce sujet que "la commune examine le dossier et donne son préavis. Elle apporte toutes précisions utiles, notamment en ce qui concerne les catégories de logements touchées par la pénurie; ou encore lorsque son appréciation découle du critère de l'intérêt général". La commune peut aussi demander au Département de procéder à une inspection locale et y être associée.
L'art. 4 LDTR précise que "seuls les logements correspondant par le prix, le nombre de pièces et, de manière générale, les caractéristiques, à un besoin de la population, peuvent entrer dans une catégorie touchée par la pénurie". C’est sur cette notion que le préavis communal est important. Il permet à l’Unité logement de déterminer si l’immeuble qui doit subir des transformations ou une démolition est à pénurie ou non, sachant que, si le bâtiment n'est pas à pénurie, l'autorisation sera délivrée sans autre (art. 3 a contrario LDTR). En pratique, la notion de pénurie s'examine sous l'angle quantitatif et qualitatif.
Sous l'angle quantitatif, il est admis qu'il y a pénurie d'appartements lorsque le taux de logements vacants de la catégorie concernée (p ex. 4 pièces) est inférieur à 1,5%.
Sous l'angle qualitatif, la commune doit indiquer si les appartements touchés par le projet correspondent de par leurs loyers, leurs surfaces ou leurs caractéristiques à un besoin de sa population, car ce sont ces logements que veut protéger la LDTR. Des critères tels la situation géographique de l'immeuble (endroit particulièrement bruyant, nuisances diverses, éloignement du centre de la commune, taux de rotation inhabituellement élevé des locataires dans un immeuble spécifique, etc.) peuvent jouer un rôle dans cette appréciation au cas par cas. De même, selon la jurisprudence, une analyse objective peut démontrer, qu'indépendamment des derniers loyers pratiqués, certains logements sis dans un bâtiment en note 1 ou 2 du recensement architectural n'entrent pas, de par leur nature hors-norme (grande hauteur de pièce, surface très généreuse, éléments d'ornement spécifiques, cheminées de qualité, etc.) dans une catégorie "à pénurie".
Indépendamment de cette question de l'appartenance ou non des logements à une catégorie "à pénurie" qu'il convient d'examiner au cas par cas, la commune peut amener toute précision utile sur le caractère d'intérêt général du projet, qui plaide pour accepter de lourdes transformations ou la démolition d’un bâtiment.
Tel est notamment le cas en matière d'aménagement d'ouvrages d'utilité publique portant atteinte à la substance du parc locatif (route, école, crèche, etc.) ou de changement d'affectation de logements pour les remplacer par des surfaces commerciales ou administratives (bureaux ou cabinets médicaux dans une région manquant de médecins, par exemple). A noter qu'un intérêt fiscal à attirer sur le territoire communal de riches contribuables n'est pas un intérêt général au sens de la LDTR.
Aliénation d’appartements loués
L'aliénation à titre onéreux d'appartements loués est soumise à l'autorisation du Département de l'intérieur, par l'Unité logement.
L'autorisation est obligatoirement accordée lorsque le logement n'entre pas dans une catégorie à pénurie, est soumis au régime de la propriété par étages ou analogue (propriété par actions) avant le 7 octobre 1989 ou dès construction ou est acquis par son locataire en place sans que ce dernier ait été contraint d'acheter son logement ou de partir (art. 4 al. 1 litt. a à c LAAL).
Elle peut l'être lorsque les circonstances commandent l'aliénation (art. 4 al. 2), qu'il s'agisse de motifs personnels (âge, santé), financières (risque de faillite) ou tenant à la liquidation de régimes de propriété (régime matrimonial ou succession). Dans ces cas, l'Unité logement peut imposer des conditions (art. 4 al. 3 LAAL), notamment le maintien en location de l'appartement, avec un loyer contrôlé durant cinq ans. A défaut de motif d'autorisation, l'autorisation sera refusée (art. 5 LAAL).
Comme pour la LDTR, la commune du lieu de situation du logement est autorité de préavis (art. 6 LAAL). Dans cette procédure également, la commune est amenée à préciser si le logement vendu appartient à une catégorie à pénurie, les critères étant les mêmes que ceux décrits dans le cadre de la LDTR (analyse quantitative et qualitative).
La commune peut aussi préciser dans son préavis en quoi les circonstances d'une aliénation commandent l'aliénation, qu'il s'agisse de circonstances personnelles ou économiques connues de la Municipalité ou de la situation locale du marché du logement. Un avis défavorable devra être en lien avec la LAAL, l'Unité logement ne pouvant pas refuser certaines ventes pour des motifs étrangers à cette législation (manque de place de parc ou non-conformité à la zone à bâtir, par exemple). La commune reste compétente pour ordonner les mesures qui s'imposeraient en vertu de ces autres législations.
L’autorité communale peut aussi être amenée à produire des documents démontrant qu'un immeuble a bien été constitué en propriété par étages "dès construction" (permis de construire ou permis d'habiter par exemple).
Service des communes et logements (SCL)
Renseignements
Samuel Royer,
Responsable Unité logement
Tél.: 021 316 63 80 – Courriel: samuel.royer@vd.ch
Eric Bron,
Juriste Unité logement
Tél.: 021 316 63 81 – Courriel: eric.bron@vd.ch