Droit de manifester : rappel des principes

En Suisse, le droit de manifester, qui fait partie intégrante d’une démocratie moderne, est garanti par la liberté d’expression et la liberté de réunion.

Photo d'illustration d'une personne qui proteste
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Publié le 15 décembre 2017

Le 9 septembre dernier, une centaine de manifestants s’est réunie à Villeneuve pour y dénoncer les forages d’hydrocarbures. Les participants ont ensuite rallié la commune de Noville, site d’un forage exploratoire sous le Léman. C’est ainsi que le litige qui a opposé pendant plus d’un an les autorités de Noville au Collectif «Halte aux forages» a trouvé son épilogue. Pour mémoire, cette manifestation avait dans un premier temps été interdite. Les organisateurs avaient alors saisi la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal (CDAP). Dans un arrêt rendu le 30 mai 2017 (GE.2016.0070), la CDAP a donné raison à l’un des deux recourants tout en exposant de manière détaillée la pesée des intérêts à effectuer en matière de décisions d’autorisation ou de refus de manifester. Ce cas a par ailleurs permis de mettre en lumière les difficultés auxquelles peuvent être confrontées les communes lors de l’examen d’une demande d’autorisation de manifester. La présente contribution vise à rappeler aux communes les grands principes qui prévalent en matière de droits constitutionnels et en particulier la portée de la liberté de manifestation :

  • Le droit de manifester est un droit de l’homme. Il découle de la liberté d’opinion et de réunion, qui sont chacune garanties tant par la Constitution fédérale que par la Constitution vaudoise. La liberté d’opinion confère à chaque personne le droit de se former une opinion, de l’exprimer et de la diffuser sans entraves. Quant à la liberté de réunion, elle garantit le droit d’organiser des réunions, d’y prendre part, ou de refuser d’y participer.
  • Une manifestation implique généralement un usage dit «accru» (c’est-à-dire dépassant l’usage commun) du domaine public. En effet, la tenue d’une manifestation restreint, du moins temporairement, l’utilisation du domaine public par d’autres usagers. C’est la raison pour laquelle les autorités sont en droit de soumettre les manifestations à autorisation préalable. La plupart des communes vaudoises font usage de cette prérogative et prévoient dans leur règlement général de police que l’organisation d’une manifestation est soumise à une autorisation délivrée par la municipalité ou par une autorité délégataire.
  • Le principe de la proportionnalité joue alors un rôle fondamental. Les autorités communales sont en effet tenues d’effectuer une pesée des intérêts en présence : d’une part, le droit des particuliers à manifester, qui fait partie intégrante d’une démocratie moderne et, d’autre part, le maintien non moins légitime de l’ordre public (circulation, sécurité, risques de débordement, utilisation adéquate des installations publiques, etc.).
  • Toute restriction d’un droit fondamental doit reposer sur une base légale. Cela signifie que la possibilité d’interdire une manifestation ou de l’assortir de conditions particulières doit être expressément prévue dans un règlement communal. Par ailleurs, la restriction envisagée doit être objectivement justifiée par un intérêt public (protection de l’environnement, sécurité publique, etc.). Enfin, elle doit être proportionnée au but visé. Le principe de la proportionnalité se décompose en trois règles : premièrement, la mesure doit être propre à atteindre le but visé par l’intérêt public (règle de l’aptitude) ; deuxièmement, parmi les moyens envisageables, il convient de choisir celui qui, tout en atteignant le but visé, porte l’atteinte la moins grave aux droits des manifestants (règle de la nécessité) ; troisièmement, il s’agit de mettre en balance l’atteinte aux droits de ceux-ci et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (règle de la proportionnalité au sens strict).
  • Dans le cadre de la procédure d’autorisation, l’autorité doit s’abstenir de tout comportement arbitraire et veiller au strict respect du principe de l’égalité. Elle doit au demeurant tenir compte du caractère idéal des libertés d’opinion et de réunion : il n’est en particulier pas déterminant de savoir si les opinions et les intérêts défendus par les manifestants apparaissent comme étant plus ou moins valables aux yeux des autorités compétentes.
  • Une décision communale qui contreviendrait à ces principes peut être portée devant la CDAP. En cas d’urgence, les organisateurs d’une manifestation ont la possibilité de solliciter des mesures provisionnelles.

Dans ce contexte, avant de songer à interdire une manifestation, il convient de tenter de trouver une mesure moins restrictive. La commune peut par exemple proposer de modifier le parcours du cortège. Suivant les circonstances, il est également possible de limiter le nombre de participants ou d’exiger la remise des pièces d’identité des organisateurs. Il va de soi que chaque situation est différente et que l’on ne saurait appliquer de telles mesures de façon rigide et systématique. De manière générale, il est recommandé de privilégier le dialogue avec les organisateurs pour tenter de trouver une solution qui permette de sauvegarder les intérêts propres à la collectivité publique dans le respect des garanties constitutionnelles relatives à la liberté de réunion et d’opinion.

 

 


Secrétariat général du DIS (SG-DIS)