Marchés publics : Les références

Cette chronique présente des problématiques rencontrées par les communes ou leurs mandataires dans le cadre de l’application des marchés publics, qui sont régulièrement soumises pour détermination au Centre de compétences sur les marchés publics du canton de Vaud (CCMP-VD). Elle vise à sensibiliser les communes sur certains aspects particuliers des marchés publics et à leur fournir les outils nécessaires à la résolution de situations parfois complexes.

Publié le 20 mars 2023

Introduction

L’adjudicateur dispose d’une grande liberté dans la configuration de ses marchés. Cette grande liberté se traduit notamment par la possibilité de choisir les critères permettant d’évaluer les offres qui seront déposées par les soumissionnaires. Outre les critères du prix et de la qualité, qui sont des critères d’adjudication obligatoires (art. 29 A-IMP ; BLV 726.91), d’autres critères peuvent être intégrés au marché. Il est aussi loisible à l’adjudicateur de baser son évaluation sur des critères d’aptitude (art. 27 A-IMP), lesquels permettent de s’assurer que les soumissionnaires possèdent les compétences nécessaires pour réaliser le marché (ATF 140 I 285, consid. 5 p. 293).

Un critère d’aptitude – ou de qualification –, défini par l’adjudicateur, qui n’est pas rempli, entraîne de facto l’exclusion de l’offre du soumissionnaire, sans compensation possible (ATF 139 II 489, consid. 2.2.4 p. 494). A l’inverse, la non-réalisation d’un critère d’adjudication n’est pas éliminatoire. Elle peut en effet être compensée par la pondération donnée à chaque critère d’adjudication (ATF 140 I 285, consid. 5 p. 294 et ATF 141 II 353, consid. 71 p. 369).

Le critère des références renvoie exclusivement à ce que l’entreprise a déjà réalisé, à ce qu’elle est ou à ce qu’elle est capable de faire (Guide romand, Annexe N, p. 3). En d’autres termes, le critère des références permet à l’adjudicateur d’évaluer l’expérience acquise par les soumissionnaires dans le cadre de prestations analogues et, de ce fait, de déterminer si ceux-ci sont aptes à réaliser le marché.

Selon le commentaire de l’art. 27 A-IMP (cf. Message type AIMP 2019, p. 67), il est en principe licite d’utiliser les références à la fois comme critère d’aptitude et comme critère d’adjudication (par ex. en exigeant, d’une part, deux références en lien avec les critères d’aptitude et, d’autre part, des références supplémentaires se rapportant aux critères d’adjudication et auxquelles il sera attribué un certain nombre de points).

Le critère des références dans la jurisprudence

Les références fournies par les soumissionnaires peuvent porter sur des projets achevés ou inachevés, être personnelles ou non, etc. La jurisprudence rendue en la matière est fournie, en voici un bref aperçu :

Références personnelles – non personnelles

L’expérience des soumissionnaires constitue en pratique un critère objectif qui permet d’évaluer la qualité de leurs services. L’adjudicateur peut tenir compte d’une référence même lorsque l’objet a été exécuté par un prédécesseur légal du soumissionnaire ou par une division commerciale appartenant auparavant à une autre société (TA ZH VB.2018.00450 (15.11.2018)).

En revanche, l’adjudicateur ne peut valablement évaluer un critère de référence en faveur de l’adjudicataire alors que les travaux qui en font l’objet ont été exécutés par un sous-traitant et que l’appel d’offres excluait expressément le recours à la sous-traitance (TF 2D_31/2015 (29.12.2015)).

L’adjudicateur a le droit de se procurer auprès de tiers des références que le soumissionnaire n’a pas produites. Toutefois, si une telle référence désavantage le soumissionnaire concerné, celui-ci doit pouvoir s’exprimer à son sujet pour respecter le droit d’être entendu (ATF 139 II 489, consid. 3.2).

Références relatives à des projets comparables

L’adjudicateur est libre d’exclure un soumissionnaire lorsque l’une des références exigées ne porte pas sur le volume total du marché requis selon les documents d’appel d’offres. En effet, les références qui ne répondent pas aux exigences du dossier d’appel d’offres ne constituent pas un défaut insignifiant et purement formel auquel on peut facilement remédier, la désignation des projets de référence ne relevant pas de la transmission d’informations de moindre importance, comme l’absence d’une signature, mais de la compilation d’objets et de personnes liée au projet (TA ZH VB.2018.00617 (19.12.2018)).

Lorsqu’un appel d’offres précise que les références doivent concerner des projets comparables, les soumissionnaires ne peuvent pas se contenter de présenter des références comparables qui ne portent que sur des tâches considérées comme accessoires par l’appel d’offres, quand bien même l’adjudicateur n’a pas spécifié expressément les phases de réalisation sur lesquelles les références devaient porter (TAF B-82/2017 (24.4.2017)).

Toutefois, l’exigence de travaux équivalents ne doit pas être interprétée de manière trop restrictive. En effet, l’adjudicateur peut lancer un appel d’offres portant sur l’exécution de travaux n’ayant jamais été réalisés auparavant, de sorte qu’aucun soumissionnaire ne peut présenter de références adéquates (TAF B-4637/2016 (17.3.2016)).

La qualification et l’expérience du personnel des soumissionnaires peuvent être prises en considération par l’adjudicateur pour apprécier sa capacité à réaliser le marché. Ainsi, l’adjudicateur peut s’écarter des références fournies par les soumissionnaires en se fondant sur d’autres éléments sans pour autant abuser de son pouvoir d’appréciation (CDAP VD MPU.2015.0036 (2.11.2015)).

Comment évaluer le critère des références ?

Des documents préconfigurés permettent aux adjudicateurs de recueillir les informations nécessaires à l’évaluation du critère des références en les intégrant à leurs documents d’appel d’offres. Ces documents sont disponibles dans le Guide romand pour les marchés publics (cf. annexes Q6 à Q9). Chacune de ces annexes est liée à un type de marché particulier, à savoir :

  • Annexe Q6 : marchés de services liés à la construction ;
  • Annexe Q7 : marchés de services non liés à la construction ;
  • Annexe Q8 : marchés de fournitures ; et
  • Annexe Q9 : marchés de travaux de construction.

Ces annexes renferment les éléments d’appréciation sur la base desquels les références seront jugées. Ainsi, les références doivent toutes porter sur des marchés comparables au marché à exécuter, en termes de complexité et d’importance, de même qu’elles doivent toutes démontrer la capacité, les compétences et l’expérience nécessaires des soumissionnaires pour le marché à exécuter. D’autres éléments sont à prendre en considération, lesquels sont liés au type de marché. S’agissant des marchés de services liés à la construction par exemple, les références doivent correspondre aux prestations de la norme SIA 112, et être achevées depuis moins de 10 ans ou être en cours d’exécution. Pour les marchés de services non liés à la construction, ainsi que pour les marchés de fournitures, les références doivent être achevées depuis moins de 5 ans, respectivement depuis moins de 5 ou 3 ans. Concernant les marchés de construction, les références doivent être achevées depuis moins de 10 ans.

Les barèmes de pondération de l’Etat de Vaud comprennent, parmi toute une série de critères, le critère des références. Ces barèmes prévoient des fourchettes de pondération possible en fonction de la nature du marché en cause (services, travaux, fournitures) et du degré d’exigences qualitatives de ce dernier. Ainsi, à titre d’exemple, la pondération du critère des références sera de l’ordre de 6 (+/- 2) % pour des travaux courants sans exigences particulières, de 8 (+/- 3) % pour des travaux à exigences qualitatives moyennes et enfin de 10 (+/-5) % pour des travaux à hautes exigences qualitatives.

Parfois, suivant le degré de complexité du marché en cause, le critère des références peut être éliminatoire, en ce sens que l’adjudicateur pourra exclure de la procédure le soumissionnaire qui ne présente pas au moins une référence en lien avec la nature des prestations envisagées ou qui n’obtiendrait pas une note minimale lors de l’évaluation des références présentées.

A noter que le critère des références est peu utilisé dans les procédures de gré à gré ou sur invitation. Dans ces procédures en effet, l’adjudicateur choisit le(s) participant(s) et va logiquement porter son choix sur des entreprises ou des bureaux dont il sait déjà qu’ils disposent de l’expérience et des connaissances nécessaires pour réaliser le marché.

 


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