Amender un préavis municipal : Compétence du conseil et séparation des pouvoirs

Dans une récente décision le Conseil d'Etat s'est penché sur la répartition des compétences entre la Municipalité et le Conseil communal à travers la légalité d’un amendement proposé par un conseiller communal. Avec cette analyse, le Conseil d’Etat clarifie les limites du droit d'initiative des conseillers et les possibilités d'amendements. (Jurisprudence du CE : R9 226/2024).

Publié le 09 décembre 2024

Résumé des faits

Cette décision porte sur la légalité d’un amendement et la séparation des pouvoirs.

En l’espèce, un conseiller avait déposé un amendement afin d’ajouter dans les conclusions du préavis municipal la phrase suivante : « en maintenant le nombre de places de parc existant ». La Municipalité a répondu à cet amendement et s’est engagée à remettre, dans la mesure du possible, les places de parc dans le cadre du projet de réalisation de la route. Le conseiller a choisi de maintenir son amendement.

Si la compétence du Conseil pour voter un tel amendement semble avoir été débattue lors de la séance, le Président est passé au vote en relevant toutefois le risque d’un recours au Conseil d’Etat.

Un conseiller a donc recouru en soutenant que le Conseil communal n’avait pas la compétence d’adopter un amendement imposant le maintien des places de parc dans le préavis municipal en question. Il conclut à ce que l’amendement imposant le maintien des places de parc soit invalidé, sans que la décision du Conseil communal portant sur l’octroi du crédit d’étude ne soit remise en cause.

En droit

Trois thèmes majeurs sont abordés dans cet arrêt et le Conseil d’Etat a rappelé les principes juridiques suivants.

Les rapports entre la Municipalité et le Conseil communal

Les attributions du Conseil communal sont réglées de manière exhaustive par l’article 146 de la constitution vaudoise et complété par l’article 4 LC. La Municipalité dispose, quant à elle, d’une compétence générale résiduelle. Ainsi, la Municipalité est compétente en dehors des cas expressément visés par les dispositions spécifiques sur les domaines attribués au conseil. Bien que le concept de séparation des pouvoir soit particulier au niveau communal, on admet que ce dernier principe existe et que les autorités communales n’ont pas le droit de dépasser le cadre qui leur est tracé par la législation cantonale et communale.

In casu, l’amendement concerne la compétence d’administrer les routes communales et les tronçons de route cantonale en traversée de localité et celle-ci appartient exclusivement à la Municipalité (article 42 alinéa 1 chiffre 4 LC).

La question suivante est donc de savoir dans quelle mesure un conseiller peut déposer un amendement concernant une compétence de la Municipalité.

Le droit d'initiative - des conseillers

Le droit d’initiative des conseillers ne peut s’exercer en violation du droit supérieur, ni même dans un domaine qui ne relève pas des compétences de l’organe délibérant.

Par ailleurs, un membre du Conseil communal peut poser une question ou émettre un vœu (article 34a de la LC), sans que cela ne soit contraignant pour la Municipalité.

Le droit d'initiative - de la municipalité

La municipalité peut proposer des décisions au Conseil communal, sous forme de préavis (article 35 de la LC). Ces derniers doivent être examinés par une commission avant toute délibération. Le préavis municipal doit comporter les éléments nécessaires à la prise de décision du conseil et doivent nécessairement contenir des conclusions. Ces dernières peuvent être amendées. Pour résumer, la soumission d’un préavis municipal peut se définir comme la faculté pour l’organe exécutif (la Municipalité) de soumettre par écrit à l’organe délibérant (le Conseil) des projets de décisions de sa compétence. Ainsi, la Municipalité ne saurait appeler le Conseil à prendre position sur un objet qui ne relève pas de ses attributions. Si elle venait à le faire, cela ne serait pas illicite mais viserait uniquement un but politique, le conseil communal n’ayant pas de compétence sur le fond et ne pouvant donc pas prendre une décision assortie d’effets juridiques.

Les amendements et les sous-amendements

Les amendements ne peuvent porter que sur deux types d’objet : 

  • Les conclusions d’un préavis municipal ; et
  • Les règlements soumis au vote du Conseil communal ou général.

Il est utile de rappeler que les amendements peuvent également faire l’objet de sous-amendements selon l’article 35a alinéa 1 LC.

Les amendements ne doivent en aucun cas modifier le corps d’un préavis. Il est tout aussi interdit d’ajouter une conclusion, dans le préavis, qui ne porterait pas sur une compétence du Conseil communal ou général. Comme vu plus haut, l’amendement ne peut concerner qu’une compétence du conseil prévue exhaustivement par la législation, notamment par l’article 4 LC et l’article 14 du règlement sur la comptabilité des communes.

Selon l’article 35a alinéa 2 LC, les personnes ou groupes de personnes pouvant proposer d’amender, respectivement de sous-amender des conclusions ou un règlement de la compétence du Conseil communal/général sont :

  • Les membres du Conseil communal/général ;
  • Les commissions ;
  • La Municipalité.

Sur le plan formel, les amendements doivent dans l’idéal être adressés par écrit ou dictés au bureau du conseil, puis être lus à l’assemblée avant d’être mis en discussion. La commission qui a étudié le préavis municipal doit, quant à elle, déposer les propositions d’amendements sous le même délai que son rapport. Concrètement, la LC ne prévoit pas de vote sur la recevabilité d’un amendement bien que le bureau, en cas d’irrecevabilité, devrait informer le Conseil du risque d’illégalité.

En l’espèce, la commission chargée d’étudier le préavis a émis un vœu, soit celui de maintenir les places de parc. La commission des finances en a fait de même. Ce dernier s’exerce de manière informelle et peut porter sur n’importe quel sujet, y compris sur une compétence de la Municipalité.

Un conseiller communal a, quant à lui, déposé un amendement avec la même teneur que le vœu susmentionné. Si d’un point de vue formel, il a respecté l’ensemble des normes en vigueur, cet amendement a pour objet un aménagement routier. Cette compétence appartenant purement à l’organe exécutif, elle ne pouvait pas faire l’objet d’un amendement de la part d’un conseiller.

Conclusion

Tout comme le droit d’initiative du conseil communal, l’amendement ne peut concerner qu’une compétence du conseil octroyée exhaustivement par la législation. Contrairement à ce que soutient l’autorité intimée, qui indique que la loi n’instaure pas de procédure formelle pour le contrôle des amendements et que le droit d’amendement doit être interprété largement parce que la Municipalité peut aussi en déposer, l’article 35a alinéa 2 LC doit nécessairement s’interpréter au regard des dispositions qui le précèdent.

Ainsi, si les conseillers communaux ne peuvent user de leur droit d’initiative que dans leurs domaines de compétence, le droit d’amendement est soumis à la même restriction.

En conclusion, selon le Conseil d’Etat, il s’agit là d’un problème de cogestion, rendant l’amendement litigieux. Dès lors qu’il n’est pas possible d’annuler uniquement un amendement, l’ensemble de la décision est annulé.

Ce qu’il faut retenir

  • Les domaines de compétences du conseil communal/général sont clairement définis ;
  • Le conseil communal ne peut pas s’approprier des compétences de la Municipalité par le biais d’amendement au risque de créer un problème de cogestion ;
  • Il n’est pas possible d’annuler/de faire annuler un amendement d’une conclusion de préavis municipal sans remettre en question l’ensemble de la décision.

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Direction des affaires communales et droits politiques (DACDP)

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