Les commissions de recours en matière d'impôts communaux à la lumière de la jurisprudence fédérale

Le Tribunal fédéral a récemment rendu un jugement riche en enseignements sur les commissions de recours vaudoises en matière d’impôts communaux (ci-après : commissions de recours). Nous rappelons ici les principes qui régissent le fonctionnement de ces commissions et résumons les considérants principaux de cette nouvelle jurisprudence.

Vue dans salle du Gothard | Tribunal fédéral de Lucerne
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Publié le 18 mars 2024

Organisation et compétences de la commission de recours

Une commission de recours doit être instituée au sein de chaque conseil communal ou général (art. 45 de la loi sur les impôts communaux ; LICom). Cette commission a la particularité de ne pas rapporter sur des préavis, son rôle étant au contraire de rendre des décisions en matière de fiscalité communale à la suite de recours des contribuables.

La commission de recours est composée d’au moins trois membres qui sont nommés par le conseil au début de chaque législature. Elle peut être saisie d'un recours contre toute décision municipale prise en matière d'impôts communaux ou de taxes communales prévus par la LICom ou par d’autres lois cantonales. A cet égard, on précise que la notion de taxes englobe toutes les contributions des administrés qui « représentent la contrepartie d'une prestation spéciale ou d'un avantage particulier appréciable économiquement accordé par l'Etat » (notion de « taxes causales » ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_768/2015, consid. 4.2). Cette définition vise notamment les taxes d’évacuation et d’épuration des eaux, les émoluments administratifs ou encore les frais d’intervention des services de secours (cf. arrêt du Tribunal cantonal FI.2018.0161).

Lorsqu’elles prélèvent des taxes, les associations intercommunales doivent également se pourvoir d’une commission de recours, car les dispositions légales concernant les communes et les autorités communales leur sont applicables par analogie (art. 114 LC).

Lorsque des taxes sont prélevées dans le contexte d’une entente intercommunale, ce sont en principe les commissions de recours des différentes communes membres de l’entente qui sont compétentes. Les communes peuvent toutefois transférer leurs compétences décisionnelles à une commune déterminée (par exemple la commune boursière), auquel cas la commission de recours de cette commune devient compétente. Pour ce faire, il est toutefois impératif que les communes le prévoient expressément dans leurs règlements ou dans la convention de l’entente intercommunale (cf. arrêt du Tribunal cantonal FI.2023.0005, consid. 3).

Nature de la commission de recours : pas une autorité judiciaire !

Dans son arrêt 9C_266/2023, rendu le 19 septembre 2023, le Tribunal fédéral a examiné la nature des commissions de recours vaudoises, et plus particulièrement la question de savoir si ces commissions constituent des tribunaux au sens de l’art. 30 al. 1 de la Constitution fédérale (Cst. féd.). Cette disposition octroie des garanties de procédure importantes aux administrés, qui ont alors le droit à ce que leur cause soit jugée par un tribunal indépendant et impartial. Si la commission de recours n’est pas qualifiée de tribunal, il faut alors se référer aux garanties générales de procédure de l’art. 29 al. 1 Cst. féd. qui sont applicables à toutes les autorités administratives. Ces garanties sont moins étendues et, dans ce contexte, l’administré a « seulement » un droit à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. Les implications de cette qualification juridique sont donc importantes à l’égard du fonctionnement de l’autorité concernée.

Le Tribunal fédéral a donc appliqué les différents critères permettant de donner ou non la qualification de tribunal à une autorité (consid. 5.3). Sans trop entrer dans les détails, on relève que la doctrine est divisée sur la question. Ainsi, certains juristes accordent beaucoup d’importance à l’organisation et à l’indépendance institutionnelle de l’autorité, tandis que d’autres considèrent que la nature fonctionnelle de l’autorité a une importance prépondérante. La jurisprudence a par ailleurs été relativement flottante sur la question de la qualification des commissions de recours vaudoises. Le Tribunal cantonal a en effet considéré que celles-ci ne constituent pas des tribunaux (cf. arrêt du Tribunal cantonal FI.2018.0133, consid. 3c), alors que le Tribunal fédéral a admis la qualification de tribunal dans son précédent arrêt 2C_797/2013 (consid. 8).

Dans l’arrêt du 19 septembre 2023, le Tribunal fédéral a jugé que la commission de recours de la commune d’Aigle ne peut pas être considérée comme un tribunal au sens de l'art. 30 al. 1 Cst. féd. A l’évidence, ce constat est applicable à toutes les commissions de recours vaudoises. Le Tribunal fédéral a donc opéré un revirement de jurisprudence et s’est aligné sur la jurisprudence cantonale vaudoise. Comme on le verra, ce revirement de jurisprudence offre à ces autorités une plus grande marge de manœuvre organisationnelle.

Consultation d’un expert externe

Les commissions de recours étant exclusivement composées de membres du conseil communal ou général, elles manquent souvent de ressources pour rendre des décisions de nature fiscale. Ces décisions peuvent être particulièrement complexes, notamment lorsqu’il est question d’interpréter un règlement communal ou d’appliquer des principes constitutionnels (par exemple le principe de l’égalité de traitement). Alors qu’il paraît primordial que des juristes aguerris composent la commission de recours, respectivement qu’ils disposent de certaines connaissances en matière fiscale, certains conseils communaux ou généraux peinent parfois à trouver de tels profils.

Par son jugement du 19 septembre 2023, le Tribunal fédéral a considéré que, sous l’angle des garanties générales de procédure de l’art. 29 al. 1 Cst. féd., la commission de recours peut mandater un conseiller juridique externe. Le rôle de cet expert ne peut toutefois pas aller au-delà d’une assistance de la commission de recours dans les travaux préparatoires en vue du prononcé de la décision. Les commissaires ne peuvent donc pas lui déléguer le pouvoir de rendre la décision (consid. 7.2.1). La commission de recours n’a pas l’obligation d’informer les recourants lorsqu’elle mandate de tels experts (consid. 7.2.2). La rémunération de l’expert peut être versée par la municipalité pour des raisons pratiques, sans que soit constatée une apparence de prévention (consid. 8.2).

Recommandations

Il demeure nécessaire que la commission de recours prenne diverses précautions si elle décide de se faire assister par un expert. En particulier, elle doit s’assurer que l’expert n’a pas d’intérêts personnels ou matériels concernés par le litige. Nous recommandons aussi que la commission de recours désigne l’expert elle-même, sans que la municipalité intervienne dans ce processus. Même si la commission de recours n’est pas obligée de suivre les recommandations de l’expert, elle doit se montrer particulièrement prudente si elle souhaite s’en écarter. Sa décision doit toujours être motivée de manière détaillée et respecter les prescriptions légales de l’art. 42 LPA-VD.


Direction générale des affaires institutionnelles et des communes (DGAIC),
Direction des affaires communales et des droits politiques (DACDP)

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