Récusation des élus : la CDAP remet les pendules à l’heure

Dans un arrêt récent, la Cour de droit administratif et public (CDAP, AC.2024.0230) du canton de Vaud a annulé une décision d'un conseil communal en raison du non-respect des règles de récusation. Cette affaire met en lumière l'importance de l'impartialité des élus dans le processus décisionnel communal.

Photo d'illustration d'une balance et d'un marteau Photo d'illustration d'une balance et d'un marteau
Publié le 16 juin 2025

Contexte de l’affaire

Plusieurs membres du conseil communal avaient formé opposition à un projet de construction et notamment au plan partiel d’affectation (PA). Seul l'un d'eux a retiré son opposition avant la séance du conseil. En revanche, ils ont tous participé aux discussions et au vote.

Un recours a été déposé, contestant la participation des conseillers opposants aux décisions relatives au projet.

Ce que dit la CDAP : Obligation de récusation en cas d'opposition

La CDAP a rappelé que, conformément à l'article 40j de la Loi sur les communes (LC), un membre du conseil communal doit se récuser s'il a un intérêt personnel ou matériel dans l'affaire traitée. Le fait d’avoir formé opposition à un projet est considéré comme un tel intérêt. Cela signifie que l'élu ne peut participer à aucune étape de la procédure, que ce soit en commission ou en séance plénière.

On peut ajouter comme constituant un intérêt, par exemple :

  • Être propriétaire d’un bien-fonds touché par le plan d’affectation.
  • Avoir formé opposition à un projet lors de la mise à l’enquête.
  • Avoir un conjoint ou un proche habitant sous le même toit qui est touché par l’objet (propriétaire, opposant, etc)
  • Être membre d’un organe dirigeant d’une association directement concernée par la décision.

En revanche, des intérêts généraux ou collectifs, comme être membre d’une association sans lien direct avec l’objet traité, ne justifient pas une récusation.

Le retrait de l’opposition ne suffit pas

La Cour a précisé que le retrait de l'opposition ne fait pas disparaître l'apparence de partialité. Ainsi, même après le retrait de son opposition, les conseillers auraient dû se récuser lors des délibérations et du vote. Il en va de même au sein de la commission.

Une exception très limitée

La seule exception admise par la CDAP concerne le retrait de l'opposition lors de l'audience de conciliation, avant la présentation du projet par la municipalité. Dans ce cas, la Cour estime que le conseiller peut participer aux discussions sans enfreindre les règles de récusation.

La DGAIC reste critique quant à cette position du Tribunal cantonal et préfère se référer à la position exprimée par Pascal Mahon et Valérie Défago dans leur avis de droit du 11 novembre 2021, relatif à la « la Détermination de l’applicabilité des règles d’indépendance et d’impartialité valant pour les autorités administratives à l’activité des députées et députés du Grand Conseil lors de l’adoption du PAC Lavaux ». Ce dernier précise que « le retrait de l’opposition n’a pas d’effet sur l’obligation de se récuser, qui demeure ».

Ainsi, la DGAIC préconise une approche restrictive estimant que dès lors qu’un conseiller dépose formellement une opposition, son obligation de se récuser subsiste, même s’il la retire suite à une séance de conciliation, en raison de la persistance d’un doute quant à son impartialité.

Annulation de la décision du conseil communal

La participation des conseillers opposants a conduit à l'annulation de la décision du conseil communal. Le non-respect des règles de récusation est donc un motif suffisant pour invalider une décision.

Ce qu’il faut retenir

Cette affaire illustre l'importance pour les élus communaux de respecter les règles de récusation afin d'assurer la légitimité et la légalité des décisions prises. Il est essentiel que les membres du conseil soient attentifs à leurs intérêts personnels ou matériels dans les affaires traitées et se récusent lorsque cela est nécessaire.

  • Un conseiller qui fait opposition à un projet doit se récuser lors de la commission, des discussions et du vote sur ce projet même s'il a retiré son opposition.
  • Le respect des règles de récusation est essentiel pour garantir l'impartialité et la légitimité des décisions communales.
  • Le non-respect de ces règles peut entraîner l'annulation de la décision concernée.

Pour aller plus loin

Comment se déroule la procédure de récusation ?

  1. Récusation spontanée : Le membre concerné se récuse de lui-même et ne participe ni aux discussions ni au vote sur l’objet.

  2. Demande de récusation : Si la récusation n’est pas spontanée, un autre membre du conseil ou le bureau peut en faire la demande.

  3. Décision du conseil : Le conseil statue sur la demande de récusation qui est portée à l’ordre du jour d’une séance. La décision est consignée au procès-verbal.

  4. Recours : La décision de récusation peut faire l’objet d’un recours auprès du Conseil d’État selon l’article 145 LC, ou à la CDAP en matière d’aménagement du territoire.

Et dans le cas de l’aménagement du territoire ?

Dans le cadre de l’adoption d’un plan d’affectation communal (PACom), la récusation ne s’impose généralement pas, car le plan concerne l’ensemble du territoire communal, hormis s’agissant du traitement de sa propre opposition.

En revanche, la question de la récusation est toute autre s’agissant de l'adoption d'un plan partiel d’affectation (PA). Conformément à la présente jurisprudence, la DGAIC recommande que les membres du conseil concernés se récusent pour l’entier de la procédure, tant au sein de la commission que pour les discussions et le vote du conseil.

Bonnes pratiques pour les conseils communaux ou généraux

  • Anticipation : Identifier les conflits d’intérêts avant les séances.
  • Transparence : Encourager les membres à déclarer spontanément leurs intérêts.
  • Documentation : Consigner les intérêts dans un registre.

En respectant ces principes, les conseils communaux ou généraux renforcent la légitimité de leurs décisions et la confiance des citoyens dans les institutions locales.

La Direction générale des affaires institutionnelles et des communes (DGAIC) reste à disposition pour tout complément d’information.


Direction générale des affaires institutionnelles et des communes (DGAIC)

Sources

La Cour de droit administratif et public fonde sa décision sur la fiche thématique relative à la récusation contenue dans l’aide-mémoire pour les Autorité communales, ainsi que sur l’avis de droit émis par Pascal Mahon et Valérie Défago en date du 11 novembre 2021 concernant « la Détermination de l’applicabilité des règles d’indépendance et d’impartialité valant pour les autorités administratives à l’activité des députées et députés du Grand Conseil lors de l’adoption du PAC Lavaux ».

Contact

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Direction des affaires communales et des droits politiques (DACDP)
Rue Cité-Derrière 17 – 1014 Lausanne
Tél. 021 316 40 80 – affaires-communales(at)vd.ch