La remise électronique des offres

Cette chronique présente des problématiques rencontrées par les communes ou leurs mandataires dans le cadre de l’application des marchés publics, qui sont régulièrement soumises pour détermination au Centre de compétences sur les marchés publics du canton de Vaud (CCMP-VD). Elle vise à sensibiliser les communes sur certains aspects particuliers des marchés publics et à leur fournir les outils nécessaires à la résolution de situations parfois complexes.

Publié le 17 mars 2025

Attendue de longue date par de nombreux acteurs des marchés publics, la remise électronique des offres vient tout juste de faire son apparition sur la (nouvelle) plateforme Simap. Les adjudicateurs qui le souhaitent peuvent dès à présent recourir à cette fonctionnalité sensée réduire la charge administrative des soumissionnaires et simplifier les échanges.

La remise électronique des offres désigne la démarche par laquelle les soumissionnaires transmettent leur offre dans un format dématérialisé via une plateforme, en remplacement des formats physiques traditionnels (format papier accompagné selon les cas de tout ou partie de l’offre sur une clé USB). Elle s’inscrit dans les objectifs de l’Accord intercantonal du 15 novembre 2019 sur les marchés publics (AIMP ; BLV 726.91), qui entend « encourager le recours aux technologies de l’information » (Message type AIMP 2019, p. 13), et permet d’optimiser la gestion des procédures de marchés publics.

La remise électronique des offres trouve son fondement légal à l’art. IV de l’accord international révisé (OMC) du 30 mars 2012 sur les marchés publics (AMP ; RS 0.632.231.422), ainsi qu’à l’art. 34 AIMP.

Un libre choix de l’adjudicateur

Les exigences formelles relatives à la remise des offres ou des demandes de participation (1er tour d’une procédure sélective) font partie du contenu minimal de l’appel d’offres (art. 35, let. l AIMP) et des documents d’appel d’offres (art. 36, let. c AIMP). Le non-respect des exigences de forme requises par l’adjudicateur constitue un motif d’exclusion de la procédure (art. 44, al. 1, let. b AIMP).

Selon l’art. 34, al. 2 AIMP, « Les offres peuvent être remises par voie électronique lorsque cette possibilité est prévue dans l’appel d’offres ou dans les documents d’appel d’offres et que les exigences fixées par l’adjudicateur sont respectées ».

L’adjudicateur peut ainsi décider librement d’autoriser (ou non) la remise électronique des offres. Trois possibilités s’offrent à lui :

  • exiger la seule remise physique des offres (papier et clé USB éventuelle) ;
  • autoriser à la fois la remise physique et la remise électronique, pour offrir davantage de possibilités aux soumissionnaires ;
  • exiger la seule remise électronique des offres, pour autant que cette exigence soit compatible avec le principe de l’interdiction des discriminations.

Le soumissionnaire ne dispose donc pas d’un droit à présenter son offre par voie électronique. Il ne peut recourir à cette possibilité qu’à la condition d’y avoir été expressément autorisé par l’adjudicateur. Un soumissionnaire qui déposerait une offre électronique sans y avoir été autorisé s’expose à l’exclusion de son offre puisqu’il s’agit d’un vice de forme important au sens de l’art. 44, al. 1, let. b AIMP.

Un mode de remise avantageux

De manière générale, les principaux avantages de la dématérialisation consistent en :

  • Un gain de temps et d’efficacité : les soumissionnaires et les adjudicateurs peuvent traiter plus rapidement les dossiers, réduisant ainsi les délais d’attribution des marchés.
  • La sécurisation des échanges : les plateformes de remise électronique utilisent des systèmes garantissant l’intégrité des documents soumis.
  • Une réduction des coûts : la suppression des impressions, de l’affranchissement et des déplacements permet des économies pour les soumissionnaires et les adjudicateurs.
  • Le respect de l’environnement : la dématérialisation réduit l’empreinte écologique liée à l’utilisation de papier et au transport physique des offres.
  • La traçabilité et la transparence : chaque étape du processus est enregistrée, limitant les risques de manipulation. 

Outre ces avantages, l’adjudicateur qui, dans un marché soumis à la concurrence internationale, offre la possibilité de déposer les offres par voie électronique dispose d’un juste motif pour pouvoir raccourcir de 5 jours le délai légal minimal de remise des offres (cf. art. 47, al. 2, let. c AIMP). Le délai minimal de 40 jours passe alors à 35 jours. Compte tenu des autres motifs énoncés par l’art. 47, al. 2 AIMP (a. publication de l’appel d’offres par voie électronique et b. publication simultanée des documents d’appel d’offres par voie électronique) qui permettent chacun une réduction de 5 jours, l’adjudicateur peut donc, lorsque le marché s’y prête, faire passer le délai légal minimal de remise des offres de 40 à 25 jours dans les procédures ouvertes ou sélectives soumises à la concurrence internationale.

Il convient toutefois de garder à l’esprit que la remise électronique des offres n’emporte pas dématérialisation de l’ensemble de la procédure. En effet, hormis les appels d’offres et les décisions d’adjudication de gré à gré au sens de l’art. 21, al. 2 AIMP (« gré à gré exceptionnel ») qui sont notifiées par voie de publication sur la plateforme Simap, les décisions de l’adjudicateur (adjudication, interruption, exclusion, etc.) doivent être notifiées individuellement par courrier recommandé1.

Des exigences à respecter

L’art. 36, let. e AIMP impose à l’adjudicateur autorisant le dépôt électronique des offres d’indiquer dans ses documents d’appel d’offres « les éventuelles exigences relatives à l’authentification et au cryptage des renseignements communiqués par voie électronique ».

Le commentaire de l’art. 34 AIMP précise également qu’une remise des offres par voie électronique ne peut s’effectuer qu’« à [la] condition que les soumissionnaires qui les présentent puissent être identifiés avec certitude » (Message type AIMP, p. 76).

Ces exigences découlent directement du droit international2.

La remise des offres par voie électronique présuppose ainsi la mise en place de mesures permettant de garantir l’intégrité des offres. Ces dernières ne doivent en effet plus pouvoir être modifiées après avoir été déposées. Des mesures sécuritaires (authentification, cryptage) sont également nécessaires pour assurer que les offres proviennent effectivement des soumissionnaires dont elles indiquent émaner.

Les nouvelles fonctionnalités de la plateforme Simap disponibles depuis début février 2025 permettent de répondre en partie aux exigences susmentionnées.

En effet, la plateforme intègre des mécanismes garantissant l’intégrité des offres. Un soumissionnaire ayant déposé son offre par voie électronique sur la plateforme Simap ne peut plus la modifier par la suite. L’adjudicateur ne peut, quant à lui, prendre connaissance de cette offre déposée en ligne qu’après le terme fixé pour la remise des offres.

C’est en revanche aux adjudicateurs qu’il revient de concrétiser les exigences d’authentification, en spécifiant le type de signature à apposer dans les offres. De telles exigences ne sont, en effet, pas concrétisées par la plateforme Simap. Celle-ci permet aux soumissionnaires de remettre leur offre sous forme de fichiers PDF (ou autres formats), sans imposer de signature spécifique à faire figurer dans l’offre. En outre, elle ne vérifie pas automatiquement la signature apposée. Il en résulte que la plateforme peut « laisser rentrer » des offres contenant des signatures électroniques, des signatures manuscrites scannées, voire aucune signature.

S’agissant du type de signature que les adjudicateurs pourraient exiger, il semble que seule la signature électronique qualifiée (QES) au sens de la loi fédérale sur la signature électronique (SCSE ; RS 943.03)3 présente les qualités requises pour satisfaire aux exigences d’authentification des soumissionnaires fixées par la législation.

Afin d’aider les adjudicateurs à formaliser les exigences légales dans leurs documents d’appel d’offres, la Conférence des marchés publics4 (CMP) vient d’édicter des Recommandations à leur intention. Ce document propose deux modèles de clauses type que les adjudicateurs vaudois peuvent directement insérer dans leurs documents d’appel d’offres. Il recommande de privilégier la première clause type, soit celle qui impose une signature électronique qualifiée.

A supposer qu’un adjudicateur ait imposé des signatures électroniques qualifiées, il doit encore s’assurer que celles-ci sont authentiques. Il interrogera pour ce faire le système de validation des signatures électroniques (Validator) disponible sur le site internet de la Confédération.

A moyen terme, il est prévu que la plateforme Simap intègre ce validateur. Grâce à cette nouvelle fonction, la plateforme pourra rechercher automatiquement les signatures électroniques contenues dans les offres soumises en ligne, les vérifiera et affichera le résultat de la vérification.

A noter enfin que le traitement des offres remises par voie électronique, à l’instar de ce qui vaut pour toute offre, doit s’effectuer dans le respect du principe de confidentialité. Seules les personnes accomplissant des tâches dans le cadre de la procédure d’adjudication en question devraient y avoir accès.

Conclusion

La nouvelle fonctionnalité de remise électronique des offres offerte par la plateforme Simap constitue une évolution à saluer vers une gestion moderne et efficace des marchés publics. Bien que son utilisation requière une adaptation des pratiques, elle offre des avantages notables en termes de rapidité, de sécurité et de transparence. Une vidéo didactique permet aux adjudicateurs comme aux soumissionnaires de se familiariser avec ce nouvel outil.

 


1 Cf. art. 24 RLMP-VD (BLV 726.01.1), 55 AIMP (BLV 726.91) et 44, al. 1 LPA-VD (BLV 173.36).

2 « Lorsqu’elle procédera à la passation de marchés couverts par voie électronique, une entité contractante :
1. fera en sorte que le marché soit passé à l’aide de systèmes et programmes informatiques, y compris ceux qui ont trait à l’authentification et au cryptage de l’information, qui sont généralement disponibles et interopérables avec d’autres systèmes et programmes informatiques généralement disponibles, et
2. mettra et maintiendra en place des mécanismes qui assurent l’intégrité des demandes de participation et des soumissions, y compris la détermination du moment de la réception et la prévention d’un accès inapproprié » (art. IV par. 3, let. a et b AMP 2012).

3 Conformément à l’art. 14, al. 2bis du Code des obligations (CO), la signature électronique qualifiée est assimilée à la signature manuscrite. La signature électronique qualifiée est définie à l’art. 2, let. e SCSE. La liste des prestataires reconnus qui la proposent est publiée par le Service d’accréditation Suisse (SAS).

4 Conférence thématique de la Conférence des directeurs des travaux publics, de l’aménagement du territoire et de l’environnement (DTAP).

 


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