Interview de Maya Chollet, vaudoise, journaliste et First Responder convaincue

Maya Chollet, membre du réseau First Responders a été distinguée le 7 juin par la fondation Carnegie pour avoir sauvé deux personnes de la noyade dans l’Arve.

Maya Chollet, habitante de la Tour-de-Peilz, vient de recevoir trois médailles pour sa bravoure, de la société internationale de sauvetage du Léman, la société suisse de sauvetage et de la Fondation Carnegie. Journaliste à la RTS et ex-sportive de haut niveau, elle est aussi, depuis mars 2024, membre du réseau des « First Responders », des bénévoles qui interviennent en cas d’arrêt cardio-respiratoire.

Qu’avez-vous fait pour mériter toutes ces distinctions ?

Un soir, le 8 mai 2023, je passais à vélo à côté de l’Arve. La rivière était déchaînée, et j’ai soudain entendu crier. Je me remettais à peine des effets d’un syndrome de stress post-traumatique : quelques mois plus tôt, j’avais assisté à un accident mortel alors que je faisais de l’alpinisme avec un ami. L’un des membres d’une autre cordée a été blessé par un immense rocher qui s’est détaché de la paroi. Il est décédé après avoir été héliporté à l’hôpital. Cela a été un choc terrible.

Ce soir-là, j’ai d’abord cru que je subissais à nouveau les effets de ce syndrome, qui peut provoquer des hallucinations auditives. Puis je les ai vus : un homme et une femme, au milieu de la rivière. Ils allaient se noyer. Tout s’est enchaîné très vite ; mon cerveau est passé en pilote automatique. J’ai cadenassé mon vélo, enlevé mon sac à dos mais conservé mon casque et mes chaussures et j’ai couru plus vite que jamais. Je suis entrée dans l’eau, j’ai nagé, agrippé le bras du monsieur qui tenait sa femme. J’ai lutté pour les ramener vers la berge, puis les sortir de l’eau, malgré la glaise qui glissait sous mes pieds. Quand les secours sont arrivés, j’étais dans un état second. On m’a expliqué ensuite que garder mon casque était un excellent réflexe car l’eau charriait des troncs, et que j’avais risqué ma vie dans une eau à 7 degrés. Mais je ne comprenais rien. Je ne ressentais plus rien, même pas le froid.

Puis, récemment, ces trois institutions m’ont annoncé qu’elles voulaient me décerner une médaille. C’est très fort comme expérience. Mais le plus important, c’est d’avoir enfin pu sauver les victimes. J’ai eu le sentiment de sortir d’une sorte de boucle. Quand j’avais 22 ans, j’ai assisté à un grave accident devant la maison. J’ai essayé d’aider le conducteur d’une voiture, gravement blessé lors d’une collision frontale avec un bus. Malgré mes efforts, il est décédé. Le sentiment d’impuissance dans ces moments est intolérable.

Comment êtes-vous devenue First Responder ?

Par trois fois j’ai été témoin par hasard de situations d’urgence vitale. Chaque fois, quelque chose m’a poussée à agir et, sans le vouloir, j’ai toujours eu les bons réflexes. Les pompiers avec qui j’ai discuté après le sauvetage dans l’Arve m’ont parlé de First Responder. Cela a été le déclic. J’ai rejoint le réseau en mars 2024. Pour continuer à agir, mais plus par hasard. En tant que First Responder, je suis alarmée par le 144. Si je suis la bonne personne au bon endroit au bon moment, cela pourrait peut-être faire la différence. On sait que chaque minute qui s’écoule après le début d’un ACR diminue les chances de survie de la personne d’environ 10%.

Plus nous serons nombreux, plus les victimes auront de chance de survivre. On n’a pas besoin d’être un professionnel de la santé pour être un First Responder. Et j’aimerais donner aux gens le courage de se former et de s’inscrire comme First Responder : on n’a besoin que de ses mains et de sa tête.

Avez-vous déjà été alertée depuis mars ?

J’ai reçu de nombreuses alertes mais je ne suis jamais encore intervenue. (Elle sourit). Je suis inscrite pour les régions de Genève, Vaud, Valais et Fribourg, car en tant que journaliste, je me déplace beaucoup. Justement : (elle montre une application sur son téléphone) : Il y a eu une alerte à l’instant, à Lausanne. C’est une zone très bien couverte :  un bénévole est déjà en route. C’est ce qui fait la différence : si on est nombreux et que le réseau est dense, quelqu’un peut être sur place très vite. Il faut le rappeler : chaque minute compte.

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