Enregistrement sonore ou vidéo des séances du conseil par les journalistes

Lors des séances de conseils généraux ou communaux la presse peut être présente, mais a-t-elle le droit de procéder à des enregistrements audiovisuels ?

Image d'illustration d'une caméra installée dans un auditoire
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Publié le 21 mars 2022

Lorsqu’un conseil communal ou général se réunit pour délibérer d’un sujet, le public a la possibilité d’être présent. En effet, cela découle de la publicité des débats garantie par la loi sur les communes (art. 15a et 27 LC). Il arrive ainsi fréquemment que des journalistes assistent aux séances, notamment lorsque les sujets portés à l’ordre du jour ont une connotation politique spéciale ou lorsqu’ils portent sur des projets d’importance régionale.

La présence des médias peut s’avérer problématique lorsque ceux-ci souhaitent enregistrer les séances sur des supports audios ou visuels. En effet, un tel enregistrement pourrait créer de l’incompréhension qui gagnerait rapidement l’audience voire inhiberait la prise de parole de certains élus peu à l’aise devant pareil exercice ou simplement désireux de ne pas être filmé.

Dès lors, il se pose la question de savoir si lesdits médias sont autorisés à procéder à pareils enregistrements, notamment eu égard à la protection de la personnalité des membres des conseils et des municipalités.

À ce propos, le principe de publicité susmentionné signifie uniquement que tout un chacun est libre d’assister à une séance et éventuellement d’en rendre compte indirectement, notamment en ce qui concerne les médias. Ainsi, si la liberté de la presse est garantie par la Constitution suisse, elle est limitée par le principe de protection de la personnalité qui veut que celle-ci soit protégée contre des atteintes illicites.

Toutefois, il est possible de porter atteinte à la personnalité s’il existe des motifs qui le justifie (art 28 CC). Il en existe trois :

  • la loi,
  • l’intérêt prépondérant privé ou public,
  • le consentement de la victime.

Avant toute prise de vue, il convient d’analyser si un de ces motifs justifient l’enregistrement des séances des conseils.

1. La loi

La loi cantonale sur les communes (LC) ne contient aucune disposition permettant de procéder à des prises de vues ou de sons lors des séances des conseils communaux ou généraux. Seul l’article 27 LC prévoit la publicité des débats.

Si l’on se réfère par analogie au Grand Conseil, les débats sont également publics. Cependant, contrairement à la Loi sur les communes, la Loi sur le Grand Conseil autorise expressément la prise de vues et de sons (art 14 al. 3 LGC). De plus, ce droit est limité aux journalistes «accrédités», ce qui implique qu’une autorisation soit délivrée. On constate ainsi qu’au niveau du Grand Conseil, l’autorisation de prise de vues ou de sons ne découle pas simplement de la publicité des débats, mais est expressément prévue par la loi.

Au vu de ce qui précède, la loi sur les communes et donc le droit cantonal ne permet pas de conclure à l’existence d’un droit à filmer les séances du conseil général ou communal.

Au niveau communal, la plupart des règlements de conseils ne contiennent pas de dispositions similaires autorisant la presse à filmer les séances hormis dans quelques villes comme Lausanne, Renens ou Morges. Dès lors, en l’absence de base légale spécifique dans ces règlements, les journalistes ne sont pas habilités à enregistrer les séances sur des supports sonores ou vidéos.

2. L’intérêt prépondérant privé ou public

Il est difficile d’admettre que l’intérêt privé économique d’un grand média primerait sur la protection de la personnalité.

Il y a donc lieu d’examiner si à la lumière de l’intérêt public, un média serait habilité à procéder à des prises de vues ou de sons. Cet intérêt ne semble pas l’emporter sur celui privé des conseillers généraux ou communaux à la protection de leur personnalité. En effet, les séances des conseils sont publiques, et tout un chacun est libre d’y assister. Les médias ont également la possibilité d’en rendre compte indirectement. De plus et finalement, les débats sont protocolés dans un procès-verbal, librement accessible au public.

Dès lors, les médias disposent de moyens d’information suffisants, autres que la prise de vues ou de sons. Il n’existe de ce fait pas d’intérêt prépondérant justifiant la prise de vues et de sons lors des séances des conseils.

3. Consentement

A défaut de base légale ou d’intérêt privé ou public prépondérant, une séance de conseil ne peut être enregistrée sur un support audio ou visuel sans atteinte à la personnalité uniquement si l’intéressé donne son consentement. Il n’est en revanche pas possible de déduire un consentement tacite des conseillers, et ce malgré le fait qu’ils exercent un mandat électif.

 

En conclusion, le principe de publicité des séances des conseils généraux et communaux mentionné dans la Loi sur les communes ne signifie donc pas que la prise de vues ou de sons soit de facto autorisée. De plus, si le règlement du conseil n’aborde pas la question, il n’existe aucune base légale cantonale ou communale autorisant la presse ou toute autre personne à filmer les séances. Il n’existe pas non plus d’intérêt privé ou public prépondérant qui autoriserait la prise de vues et de sons. Il n’est donc pas possible d’imposer aux conseillers communaux ou généraux un enregistrement sans obtenir leur consentement.

Par conséquent, si la presse souhaite procéder à une prise de vues ou de sons, et que la règlementation communale ne tranche pas la question, le conseil devrait voter sur le principe d’autoriser ou non la presse à filmer une séance. Ensuite, en cas de décision positive, les conseillers devraient avoir la possibilité de déclarer individuellement qu’ils s’opposent à la publication des passages les concernant. Si l‘enregistrement est effectué sans consentement, il doit être considéré comme illégal. Les victimes peuvent agir en justice afin de préserver leur personnalité.

Il convient également de distinguer la possibilité offerte par certains règlements communaux de conseil autorisant le Secrétaire du conseil à enregistrer les séances afin de faciliter la rédaction du procès-verbal. Pour des questions de protection des données personnelles, les enregistrements doivent être détruits dès l’adoption du procès-verbal par le conseil car les données ne sont plus nécessaires à la réalisation de la tâche pour laquelle elles ont été collectées. Les enregistrements audios de séances doivent donc être supprimés dès qu’ils ne sont plus nécessaires à l’accomplissement de la tâche de rédaction qui les justifiait. De plus, à défaut de dispositions en la matière dans le règlement du conseil et malgré la destruction des transcriptions, les membres doivent être informés et doivent consentir à l’enregistrement. Cette situation doit néanmoins être nuancée par rapport à la question liée aux médias puisque les supports audios ou visuels ne sont pas destinés à être publiés et sont ensuite détruits.

 


Direction générale des affaires institutionnelles et des communes (DGAIC),
Direction des affaires communales et des droits politiques (DACDP)

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