Communication de documents relatifs à l’aménagement du territoire et aux constructions
Des documents contenant des données personnelles peuvent-ils être publiés sur le site internet d’une commune en matière d’aménagement du territoire et de police des constructions ? Si oui, à quelles conditions ? La présente contribution vise à apporter des éléments de réponse aux communes. A noter qu’elle ne concerne que les publications en matière d’aménagement du territoire et de police des constructions, en particulier les plans d’affectation communaux et les permis de construire.
Une publication sur internet correspond à une communication à un nombre indéterminé de personnes à travers le monde et pour une durée potentiellement illimitée. De plus, si les informations publiées sur internet sont reprises par un tiers, il devient presque impossible d’en garder la maîtrise. L’atteinte aux droits fondamentaux des personnes concernées peut dès lors être importante. C’est pourquoi il convient d’être attentif, avant toute publication de données personnelles sur internet, au cadre légal applicable et aux effets d’une telle publication.
La publication de documents contenant des données personnelles constitue une communication au sens de la loi du 11 septembre 2007 sur la protection des données personnelles (LPrD ; BLV 172.65). Lorsqu’elles procèdent à une telle publication, les communes doivent respecter les conditions posées par l’art. 15 LPrD : la communication est notamment possible si une disposition légale au sens de l’art. 5 la prévoit ou si les personnes concernées ont expressément consenti à la communication.
Les communes peuvent également communiquer spontanément des données personnelles dans le cadre de l'information au public, en vertu de la loi du 24 septembre 2002 sur l’information (LInfo ; BLV 170.21), à condition que la communication réponde à un intérêt public ou privé prévalant sur celui de la personne concernée.
Publications pendant la procédure de l’enquête publique
Les modalités de publication des éléments d’une enquête publique pendant ladite enquête publique sont régies par la loi du 4 décembre 1985 sur l’aménagement du territoire et les constructions (LATC ; BLV 700.11), par le règlement du 19 septembre 1986 d'application de la loi du 4 décembre 1985 sur l'aménagement du territoire et les constructions (RLATC ; BLV 700.11.1) et par le règlement du 22 août 2018 sur l’aménagement du territoire (RLAT ; BLV 700.11.2).
Un plan d’affectation communal est soumis à une enquête publique pendant 30 jours. Le dossier est tenu à disposition du public et, dans la mesure du possible, publié en ligne. Avis de ce dépôt est donné par affichage au pilier public et par insertion dans la Feuille des avis officiels du Canton de Vaud (art. 38 al. 1 LATC et 20 al. 1 RLAT). Il ressort de ces dispositions que la commune peut publier le dossier sur internet pendant la durée de l’enquête publique. S’agissant des oppositions et des observations auxquelles donne lieu le projet, la loi prévoit qu’elles sont déposées au greffe municipal durant le délai d'enquête et qu’elles peuvent être consultées par les intéressés.
Une demande de permis de construire est soumise à une enquête publique pendant 30 jours (art. 109 al. 1 LATC). L'avis d'enquête est affiché au pilier public, publié dans un journal local, dans la Feuille des avis officiels du Canton de Vaud ainsi que sur le site internet officiel de l'Etat de Vaud ; il indique de façon précise le propriétaire, l'auteur du projet au sens de l'art. 106 LATC, le lieu d'exécution des travaux projetés et, s'il s'agit d'un bâtiment, sa destination, ainsi que les dérogations éventuelles demandées. Le règlement communal peut exiger en outre la pose d'un panneau indiquant l'objet et les dates de l'enquête publique. Le règlement d’application de la loi sur l’aménagement du territoire et les constructions précise les éléments qui doivent figurer sur l’avis d’enquête publié dans la Feuille des avis officiels, le journal local et affiché au pilier public (art. 72 RLATC). Pendant le délai d'enquête, la demande de permis de construire et ses annexes sont tenues à disposition du public, au greffe municipal ou au service technique de la commune concernée. Les oppositions et observations sont jointes au dossier et peuvent être consultées par les intéressés. Il ressort de ces dispositions que seul l’avis d’enquête – et non le dossier en entier ou les oppositions et observations – est publié sur internet, qui plus est sur le site internet du Canton, lequel est sécurisé et propose un moteur de recherche dédié, et non sur le site internet de la commune.
Publications après la procédure d’enquête publique
La LATC et ses règlements d’application ne prévoient pas de règles concernant la mise à disposition au public des éléments susmentionnés après la procédure d’enquête publique. Par conséquent, la commune qui souhaite effectuer une publication sur internet dans un but d’information au public après la procédure d’enquête publique doit évaluer au cas par cas si un intérêt public ou privé prévaut sur celui des personnes dont les données personnelles sont publiées (art. 15 al. 3 LPrD). Par mesure de simplification (afin d’éviter la procédure de pesée des intérêts en présence) et de prévention des atteintes aux droits des personnes concernées (la publication de données personnelles sur internet pouvant entraîner des répercussions sur les personnes concernées), il est conseillé d’anonymiser le contenu des documents à publier ou de procéder à la publication uniquement avec le consentement de toutes les personnes identifiées ou identifiables dans les documents. A noter que si la commune se base sur le consentement des personnes concernées, elle doit pouvoir retirer les publications d’internet si une personne retire par la suite son consentement.
En pratique :
Si une commune souhaite informer le public, via son site internet, des avis d’enquêtes publiques en cours concernant les demandes de permis de construire, il est conseillé d’intégrer un lien vers le site internet du Canton plutôt que de procéder à une seconde publication de ces données sur le site internet de la commune.
En cas de publication de données personnelles sur internet par la commune, il convient d’adopter des mesures pour limiter les atteintes aux droits des personnes concernées, par exemple en empêchant l’indexation des pages internet concernées par les moteurs de recherche, en créant une prestation sécurisée permettant d’accéder à ces publications ou encore en supprimant les données personnelles des pages internet à l’issue de l’enquête publique.
Communication de documents ou d’informations sur demande
La LInfo pose le principe selon lequel les renseignements, informations et documents officiels sont accessibles au public (art. 8 et ss LInfo). Elle octroie ainsi à toute personne le droit d’obtenir de l’autorité compétente l’information demandée, sous réserve des limites prévues par la loi et notamment des dispositions d’autres lois qui restreignent ou excluent la transmission d’information ou l’accès à des documents officiels (art. 15 et ss LInfo). A titre d’exemple, l’art. 35 al. 2 de la loi du 28 octobre 2008 sur la procédure administrative (LPA-VD ; BLV 173.36) prévoit que la LInfo n’est pas applicable à la consultation des dossiers en cours de procédure. Cette disposition réduit le champ d’application de la LInfo en excluant son application à la procédure administrative de première instance. La LInfo est ainsi inapplicable au dossier de la procédure tant que la décision mettant fin à la procédure n’est pas définitive (cf. arrêt de la CDAP du 21 octobre 2020, GE.2020.0058, consid. 3b et d). Dans les projets soumis à enquête publique, le Tribunal cantonal retient que la procédure débute (au sens de l’art. 35 al. 2 LPA-VD) lorsque les parties peuvent y participer, soit dès la mise à l’enquête publique (cf. arrêt de la CDAP du 23 mars 2023, GE.2022.0124, consid. 4a).
C’est pourquoi il n’est pas possible d’octroyer un accès à des documents officiels sur la base de la LInfo en cours de procédure d’aménagement du territoire ou de police des constructions. La LInfo s’applique uniquement à l’issue de la procédure d’adoption du plan d’affectation communal ou de la délivrance du permis de construire. L’analyse d’une éventuelle demande d’accès devrait être faite à l’aune des dispositions de la LATC.
Une fois que la décision clôturant la procédure d’aménagement du territoire ou de permis de construire est définitive et exécutoire, celle-ci est considérée comme un document officiel. Pour déterminer si la décision peut être transmise, il convient d’apprécier si une base légal restreint ou exclut l'accès au document s’il existe un intérêt public (art. 16 al. 2 LInfo) ou privé (art. 16 al. 3 LInfo) s’opposant à la divulgation. Par exemple, l’accès au permis de construire d’une prison devrait, pour des raisons sécuritaires, être restreint, voire refusé. Si aucun intérêt ne s’oppose à la divulgation du document, l’autorité compétente doit encore l’anonymiser complètement ou suivre la procédure d’opposition prévue à l’art. 16 al. 4 et 5 LInfo.
En conclusion, il est important de retenir que les communications de documents contenant des données personnelles en matière d’aménagement du territoire et de police des constructions n’obéissent pas aux mêmes règles en fonction notamment du moment auquel la communication est envisagée. Plusieurs lois peuvent s’appliquer (LATC, LPrD, LInfo), parfois de manière simultanée et la commune doit analyser chaque communication ou publication individuellement.
L’Autorité de protection des données et de droit à l’information se tient à disposition des communes pour toute question.
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