
De jeunes migrants s’entraînent pour se qualifier pour les Jeux Olympiques
Grâce à une équipe de bénévoles passionnés, quatre jeunes migrants s’exercent au tir à l’arc avec l’espoir d’être sélectionnés dans l’équipe d’athlètes olympiques réfugiés pour les jeux d’été à Los Angeles en 2028. Rencontre sur le terrain.
Ils et elles se nomment Hakan, Fatma, Zahra, Mehdi, et ont parcouru des milliers de kilomètres, souvent à pied, pour fuir l’oppression dans leur pays d’origine. Aujourd’hui, le courage dont ces jeunes ont fait preuve a l’occasion de s’exprimer à travers le sport, grâce à un projet original proposé par Juan Carlos Holgado, champion olympique de tir à l’arc en 1992, PDG de Sport Excelerate et président du club X10 Archers.
« Dans ce genre de projet, ce qu’apprennent les archers lors de l’entraînement quotidien est aussi précieux que la performance, que l’on remporte une médaille ou non. La performance est le résultat d’un processus d’apprentissage dans un environnement positif et compétitif, et n’est pas l’objectif premier de ce projet. » Voilà la philosophie de Juan Carlos Holgado, qui l’a conduit au printemps 2025 à proposer ce projet un peu fou au Centre social d’intégration des réfugiés (CSIR), rattaché au DSAS, et l’Établissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM). Son but : permettre à de jeunes migrants, accompagnés par le CSIR et l’EVAM, de s’entraîner pour se qualifier au sein de l’équipe des réfugiés qui participera aux Jeux Olympiques de 2028 à Los Angeles. Juan Carlos Holgado avait déjà mené à bien à un tel projet en collaboration avec un autre champion olympique de tir, Nicco Campriani, pour les Jeux Olympiques de Tokyo. Le Club X10 Archers se charge de coordonner le programme, d’organiser les entraînements, et de trouver des sponsors pour financer la formation, l’équipement et la participation des candidats sélectionnés.
Une idée étrange ? Pas du tout, selon Charlotte Mosquera, responsable du CSIR. « Le sport est un formidable outil d’intégration. Cela permet de rencontrer des gens, de se créer un réseau local, et de pratiquer le français. Cela permet aussi de renforcer son estime de soi. » Mais pour participer à ce projet, quelques conditions préalables devaient être remplies par les candidats et candidates. Tout d’abord, précise Charlotte Mosquera, malgré un entraînement intensif, les projets d’insertions restent prioritaires. Le niveau de français des jeunes doit également être suffisant. Et, enfin, une condition physique adéquate est nécessaire.
Des rêves plein la tête
Les quatre jeunes gens qui ont finalement été retenus à l’issue d’un processus de sélection ne démentiront pas l’esprit qui est au cœur de ce projet. A les voir se taquiner, tout sourire, et montrer leurs arcs avec fierté, on ne devinerait pas qu’ils ont, déjà, des souvenirs plus douloureux que les camarades du club, qui les ont « adoptés ».
« Ce projet me permet de pouvoir rêver à nouveau », lâche Hakan Oruc, âgé de 25 ans, dans un français parfait. En tant que Kurde, il a fui la Turquie, où il avait démarré un cursus en sciences du sport. En Suisse depuis trois ans, il poursuit actuellement une formation pour pouvoir réintégrer cette filière à l’université et travaille déjà comme coach dans une association de boxe, sport qu’il pratiquait à un haut niveau. Grand, très solide, Hakan manie l’arc avec aisance. « Il a déjà une excellente posture », glisse Nathalie Chabin, vice-présidente du club X10 Archers, qui confie être impressionnée par la motivation hors du commun de ces jeunes. « En un peu plus de six semaines, ils ont déjà fait d’énormes progrès. »
Fatma Ekinci, compatriote d’Hakan, âgée d’à peine 17 ans, est aussi complètement « accro ». « En Turquie, j’avais fait des cours de tir à l’arc traditionnel, et j’avais beaucoup aimé. Ça me permet de déstresser, parce que j’ai commencé le gymnase et que c’est un peu plus dur que ce que j’avais imaginé. » En filière maths-physique, elle se projette en pilote d’avion.
Pour Zhara Salihi, 17 ans elle aussi, l’enjeu de ce projet est de montrer « ce que les filles peuvent faire ». Venue à pied avec une partie de sa famille depuis l’Afghanistan, elle a décidé qu’elle serait policière. « Je n’avais pas de droits là-bas. » Actuellement, elle est en 11e année au collège. « Ici, je peux apprendre chaque jour quelque chose de nouveau ! »
A peine plus âgé, Mehdi Ramazani, 18 ans, est aussi venu à pied. Il a perdu 25 kilos en route, mais pas sa détermination. Comme Hakan, il a envie de gagner des médailles et il confirme que ce projet lui permet d’améliorer son français. Il sourit : « Et maintenant, j’ai une bonne une raison d’apprendre l’anglais. »
Tous confirment qu’ils viennent s’entraîner tous les jours, ou presque, et qu’ils restent le plus tard possible. « On doit parfois les freiner un peu, parce que nous devons aussi nous reposer », s’amuse Nathalie Chabin.