Entretien avec la première infirmière cantonale de Suisse

Teresa Gyuriga Perez est la première infirmière cantonale vaudoise. Ce poste, qui est aussi le premier du genre en Suisse, a été créé notamment pour soutenir le Département dans sa volonté de développer les professions des soins et de santé. Interview.

Comment voyez-vous votre rôle ?

Cette fonction me semble déterminante pour répondre aux défis actuels du secteur, qui fait face à une pénurie inquiétante de professionnelles et professionnels alors que les défis de santé publique et communautaire, liés notamment au vieillissement de la population, sont importants. Je veux m’engager en faveur d’un système de santé durable qui garantisse aujourd’hui et demain l’accès à des soins de qualité pour la population.

La création d’un poste d’infirmière cantonale au sein des instances décisionnelles marque la volonté du Conseil d’Etat de considérer les professionnels de santé comme des acteurs cruciaux du système de santé et de leur donner de la visibilité. C’est aussi l’occasion de faire évoluer les représentations de ces professions qui souffrent encore trop des différents stéréotypes que l’on associe aux métiers principalement occupés par des femmes.

Que représentent les soins infirmiers dans le système ?

Je vais m’engager pour toutes les professions de santé. Toutes ont leur place dans le système de santé et sont un investissement pour la santé de tous. Le lien entre la qualité et la sécurité des soins avec les compétences et la dotation infirmière n’est plus à faire.

Nous avons besoin de personnes compétentes pour suivre les patients durant tout leur parcours de vie, à l’hôpital et dans leurs lieux de vie. Ces professionnels savent prendre les bonnes décisions et promouvoir la prévention avec une vision globale de chaque situation.

Comment envisagez-vous votre collaboration avec les différents acteurs de la santé ?

Je considère les relations humaines ainsi que l’interprofessionnalité comme essentielles. A ce sujet, je ne peux que citer St-Exupéry :« La grandeur d’un métier est peut-être, avant tout, d’unir des hommes : il n’est qu’un luxe véritable et c’est celui des relations humaines ». J’estime que cela va de pair avec le respect de chacun. D’ailleurs, la performance collective m’intéresse davantage que la performance individuelle. Collaborer permet de mobiliser les forces et de valoriser chaque professionnel qui gravite autour du patient.

Avec qui allez-vous collaborer ?

Les directions de soins des institutions médico-sanitaires et les directions des écoles, ainsi que les associations professionnelles et autres faitières actives dans le canton de Vaud. Sans oublier les partenaires intercantonaux et nationaux, car plusieurs projets évoluent aussi au niveau national et cantonal. Mon travail apportera une vision transversale des problématiques des soins infirmiers. S’agissant d’une fonction nouvelle, il y a tout à construire, ce qui est très enthousiasmant.

Quels seront vos dossiers prioritaires ?

À ce stade, j’en vois deux :

  • La fidélisation des professionnels de santé et la promotion des professions. En effet, cela s’inscrit dans les suites de l’initiative pour les soins infirmiers et la situation post Covid, ainsi que les statistiques sur le personnel de santé. Selon l’Observatoire suisse de la santé (OBSAN), 42% des soignants abandonnent le travail auprès du patient, dont 31,8 % avant leurs 35 ans. Je participe donc aux travaux en cours pour améliorer les conditions de travail. Je vais également me focaliser sur la formation, pour donner envie aux jeunes de s’engager dans ces professions, et d’y rester. Ces dernières sont très enrichissantes sur le plan humain et des compétences mobilisées. Elles permettent d’endosser de nombreux rôles intéressants. Elles peuvent s’exercer dans divers domaines, permettent d’accéder à différentes formations postgrades et offrent des possibilités d’évolution attrayantes.
  • Il faut aussi développerde nouveaux rôles infirmiers, en cohérence avec les nouveaux modèles de soins dans la communauté. Par exemple, les infirmières praticiennes spécialisées ont des compétences élargies et peuvent réaliser des prestations de type médical. De tels profils amèneraient une grande plus-value, par exemple,aux personnes prises en charge par les CMS et pôles de santé, ainsi que dans les EMS. En outre, j’aimerais me pencher sur la formation postgrade et continue, le renforcement de la qualité des soins et la pleine utilisation des compétences et de pratique.

Pouvoir me consacrer à la valorisation et au développement des professions du soin est une chance. C’est le début d’une aventure passionnante.

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