« Je me rapproche toujours plus du local et du concret »
Après des années à la Confédération, Virginie Spicher a pris la tête de la Direction générale de la santé du Département de la santé et de l’action sociale (DSAS). Portrait.
Une « star » venue de Berne, une « stratège », une « figure de la lutte contre le COVID… » : les médias n’ont pas boudé leur plaisir en relayant l’annonce de la nomination, le 1er avril 2022, de Virginie Spicher en tant que cheffe de la Direction générale de la santé (DGS) du DSAS. Cela fait sourire l’ex-cheffe de la section contrôle de l’infection et programme de vaccination de l’Office fédérale de la santé. « Je me vois plutôt comme quelqu’un d’authentique, qui s’engage et parle en fonction de ses convictions. »
Ses nouveaux collègues la décrivent avec des termes non moins élogieux : « calme, pragmatique, analytique, elle inspire confiance et sait faire confiance ». Autre impression, largement partagée : « lorsqu’elle prend connaissance d’un dossier, elle identifie immédiatement la problématique. Et c’est impressionnant de la voir aborder chaque situation comme elle vient, avec une grande sérénité. »
Désormais, la « star » occupe discrètement un modeste bureau dans le bâtiment du DSAS à l’avenue des Casernes. « Ce n’était pas la raison de mon intérêt pour ce poste. Mais revenir en Suisse romande me fait plaisir, même si je m’étais habituée à la culture et à la langue alémanique. »
Une pragmatique qui écoute
Quitter une institution après vingt ans, et s’être imposée comme une figure incontournable de la santé fédérale : le choix peut surprendre. « C’est effectivement étonnant de réussir à partir après si longtemps », sourit-elle. Mais le poste vaudois semblait taillé pour elle, passionnée depuis toujours pour les systèmes et programmes de santé publique.
Jeune adulte, son envie de comprendre cette étonnante créature qu’est l’être humain la mène vers la médecine. Elle se spécialise d’abord en pédiatrie, fascinée par les débuts de la vie qui « fondent l’adulte »., puis démarre dans le domaine académique. Mais c’est dans les maladies transmissibles et l’administration publique qu’elle s’épanouit. Malgré – en arrière-plan – une envie de missions internationales, et de défis à relever en santé publique, en particulier dans des pays à ressources limitées.
Sa spécialisation en infectiologie, elle l’a choisie en effet en raison de son intérêt pour les pays en développement, où dominent les maladies infectieuses. « J’avais envie de développer des offres de santé adaptées aux besoins tels qu’exprimés par les bénéficiaires. La notion d’assistance par les organisations humanitaires m’agaçait. Il me semblait plus juste d’écouter et de comprendre les gens. C’est ce que je retrouve en venant dans la santé cantonale. » L’écoute, une approche pragmatique, la vision en système : ces notions reviennent sans cesse dans son discours.
Volontariat à Delhi
« Avec le recul, je réalise que je me rapproche toujours plus du local, du concret. » Rien ne semblait pourtant l’y prédestiner. Ainsi en 2002, elle met entre parenthèses son envie d’aller voir ailleurs et rejoint l’OFSP, séduite par l’idée s’occuper de la santé des populations, et de la prévention. « J’y ai découvert les aspects politiques et légaux de la santé ». Elle débute comme collaboratrice scientifique, chargée de faire l’analyse épidémiologique des maladies transmissibles, notamment les hépatites virales B et C. « J’ai réalisé l’importance de cette approche pour la planification et l’élaboration d’une politique de santé. » Elle y apprécie aussi le travail pluridisciplinaire, avec des spécialistes du foie, de la transfusion, de la protection des accidents exposant au sang et en addictologie. Elle a ensuite évolué vers le développement et la mise en œuvre de stratégies et de programmes, par exemple contre les infections acquises à l’hôpital.
Mais son besoin de se confronter aux réalités des pays en développement ne disparaît pas. En 2002, elle se rend au Honduras, où elle participe à une mission de Médecins sans frontières, dans le cadre de programmes de traitement du VIH de l’enfant. En 2012, elle s’envole pour New Delhi, pendant un congé sabbatique de l’OFSP. « Nous pouvions utiliser nos heures supplémentaires pour des projets personnels. » Volontaire pour l’OMS, elle participe en plus à une recherche sur la perception de la vaccination par la population.
Écouter et comprendre, c’est bien. Mais cela ne lui suffit pas. Si Virginie Spicher s’engage, c’est pour contribuer au changement. « Ce qui est motivant dans la santé publique c’est qu’on peut avoir un réel impact. La vaccination est une mesure de santé publique où l’on voit la différence. C’est la mesure la plus efficace qu’on connaisse ! » Car mesurer l’impact d’une action lui tient à cœur. « L’information et l’analyse d’indicateurs sont des piliers essentiels de la santé publique. Il faut viser un objectif et communiquer sur les résultats. Cela crée une véritable dynamique. »