Renforcer les mathématiques à l’école: entretien avec Nadya Hannane, ambassadrice des maths et des sciences

La "Mission maths" avait questionné les enseignantes et les enseignants vaudois sur le besoin et les manières d’améliorer l’enseignement des mathématiques. Une mesure parmi celles qui ont été recommandées, puis retenues, est la création d'une liste de 14 ambassadrices des maths et des sciences. Quel est leur rôle ? L’une d’elles, Nadya Hannane, l’explique. Interview.

Publié le 14 avril 2021

Qui se souvient d'avoir eu une enseignante pour les cours de mathématiques, la physique, l'informatique et la chimie au secondaire I, au gymnase ou en école professionnelle ? Et qui peut citer une mathématicienne, une informaticienne ou une ingénieure célèbre ? Pas grand monde... Pourtant en 2021, au sein d'une société de plus en plus numérique, le rôle des mathématiques est fondamental, tant pour les filles que pour les garçons.  

La “Mission maths” devait questionner la place des maths et des sciences dans l’école vaudoise, avec pour objectif d’en améliorer l’image et l’accessibilité à tous les élèves, spécialement aux filles souvent rebutées par cette discipline. Cette consultation a donné naissance à un rapport sur les mathématiques. Ont ensuite été retenues six mesures prioritaires concrètes dont la création de laboratoires de mathématiques dans les établissements, de nouveaux moyens d’enseignement pour la scolarisation des élèves de 1-2P ou encore l'ouverture de cours facultatif « découvertes mathématiques ».   

Un constat tenace est que les filles, surtout à l’adolescence et alors que leurs résultats ne sont pas moins bons, se détournent des orientations scientifiques et mathématiques: sur toutes celles qui ont choisi une option spécifique en 2020-2021, seules 28% ont choisi l’option spécifique maths-physique. Comment renverser la tendance ? En éveillant l'intérêt de ces jeunes filles par des parcours motivants, par des personnes qui ont mené des carrières et occupent des postes intéressants, certains importants dans le monde académique ou les entreprises. Une liste de 14 ambassadrices des mathématiques et des sciences a donc été constituée. Cette liste est à disposition des établissements scolaires et des enseignants. A leur demande, les ambassadrices peuvent se rendre dans les classes pour partager leur expérience et illustrer, par leur parcours, l’importance d’avoir réussi en mathématiques et en sciences. Parmi elles, Nadya Hannane, ingénieure en construction et infrastructure aux CFF.


 

Parlez-nous en quelques mots de votre parcours professionnel.
J’ai 29 ans et je suis ingénieure en construction et infrastructures. Après la maturité, j’ai eu l’opportunité d’obtenir un stage d’un an dans une grande entreprise genevoise de construction, puis j’ai intégré la Haute Ecole d’Ingénierie et de Gestion à Yverdon (HEIG-VD). Après l’obtention de mon diplôme, j’ai rejoint une autre grande entreprise de construction. Depuis maintenant plus de trois ans, je suis directrice générale des travaux et direction de sécurité et coordinatrice de ligne aux CFF. Dans ce cadre, je supervise de projets d’envergure tel que la rénovation de la gare de Villeneuve, pour n’en citer qu’un.

 

 

Quel était votre rapport aux sciences et aux mathématiques à l’école ?
Durant mon parcours scolaire, j’ai toujours été orientée très « mathématiques ». A l’école obligatoire, j’avais choisi maths et physique en option spécifique. Au gymnase, j’ai un peu changé de trajectoire en prenant comme option principale art et histoire de l’art, tout en conservant les mathématiques renforcées.  

Le choix des mathématiques est arrivé naturellement à moi. Dans ma famille, on est tous dans l’ingénierie. Mon père est ingénieur en construction et professeur de mathématiques et physique. Ma sœur, ingénieure en biotechnologie, a, elle aussi, suivi cette voie.  

Quelle est la place des femmes dans les sciences aujourd’hui ? Et comment l’améliorer ?
A l’école d’ingénieurs, il y avait très peu de femmes mais je me suis toujours sentie intégrée tant par les professeurs que par les collègues. Dans le cadre de ce cursus assez sélectif, les difficultés peuvent survenir pour des femmes qui seraient réservées à l’esprit plus compétitif que représente les disciplines scientifiques. Il faut rentrer dans jeu et gagner la partie !  

Dans le monde professionnel, je pense être bien reconnue pour mes compétences en tant qu’ingénieure. A mon sens, il ne faut pas s’arrêter aux stéréotypes. Une femme peut être tout aussi bonne voire bien meilleure que certains hommes dans les métiers scientifiques. Beaucoup de jeunes filles s’orientent vers les sciences sociales pour faire comme leurs amies. C’est vrai qu’à l’école, je n’avais aucune de mes copines avec moi en cours de mathématiques. Pour autant, cela ne m’a pas empêché de collaborer efficacement avec des collègues féminines avec un profil plutôt littéraire sur certains travaux de groupe. Je trouve que la complémentarité des profils apporte une dynamique intéressante au sein d’un projet.  D’autre part, il faut garder à l’esprit que s’orienter vers des disciplines scientifiques, ce n’est pas forcément rester dans un laboratoire avec des éprouvettes. Cela peut être même un choix de carrière très social et orienté vers l’humain. 

Quel message souhaitez-vous faire passer aux jeunes filles intéressées par les sciences et les mathématiques ?
Ne craignez pas la compétition que l’on rencontre dans les disciplines scientifiques. La science est pleine de défis… tout comme la vie, n’hésitez pas à les relever !


 

Ces 14 ambassadrices sont chercheuses, codeuses de jeu vidéo, ingénieures, professeures, elles aident à résoudre des crimes, elles vulgarisent, elles inventent grâce à la science et grâce aux mathématiques. Pour faire appel à l'une d'elles, n'hésitez pas à consulter la marche à suivre disponible sur le portail pédagogique. 

Propos recueillis par Nadège Roth – DGEO 

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